Le Tribunal Administratif, saisi d’un litige relatif à l’exécution d’un marché de travaux publics et aux conséquences de l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de l’entreprise cocontractante en cours d’exécution, a rendu une décision articulée autour de plusieurs points de droit distincts.

Dans un premier temps, le Tribunal a examiné la recevabilité des actes de procédure accomplis par l’entreprise placée en liquidation judiciaire. À cet égard, le Tribunal a appliqué l’article 1er, alinéa 3, du Code de procédure civile, considérant que l’intervention du syndic de liquidation, reprenant les demandes et participant aux expertises, régularise la procédure pour les actes antérieurs au jugement de liquidation. Inversement, seuls les actes émanant du syndic postérieurement à ce jugement sont recevables.

S’agissant de la demande d’indemnisation de l’entreprise pour le retard d’exécution des travaux, fondé sur l’obstruction du chantier par des riverains, le Tribunal a qualifié cet événement d’imprévisible et donc extérieur aux risques normalement couverts par l’entreprise en vertu du cahier des charges. De ce fait, il a retenu la responsabilité du maître d’ouvrage, tenu de garantir l’accès au chantier. Cependant, l’indemnisation a été refusée en l’absence de preuves suffisantes des préjudices allégués.

Le Tribunal a également statué sur la demande de paiement du solde du marché et des travaux supplémentaires. Il a rappelé les règles de la réception des travaux et a constaté la réception définitive tacite, ouvrant droit au paiement du solde. Concernant les travaux supplémentaires, le Tribunal a exigé la preuve d’un ordre de service, d’un accord ou de leur acceptation par le maître d’ouvrage, conditions non remplies en l’espèce, entraînant le rejet de la demande.

Le Tribunal a, par ailleurs, examiné les demandes d’indemnisation liées au retard de libération des garanties et aux frais d’assurance supplémentaires. Se fondant sur le lien entre la libération des garanties et la réception définitive, et constatant la réalité du retard imputable au maître d’ouvrage, il a accordé l’indemnisation des frais financiers supplémentaires. De même, les intérêts moratoires sur les paiements tardifs ont été admis en application du décret n° 2.16.344.

En outre, s’agissant de la demande du maître d’ouvrage réclamant une indemnisation pour les défauts constatés dans les travaux, le Tribunal l’a rejetée. Il a estimé que l’entreprise ayant réalisé les travaux conformément aux règles et que les défauts étaient dus à la nature du sol et aux choix techniques supervisés par le maître d’œuvre, la responsabilité de l’entreprise ne pouvait être engagée.

Quant à la demande de la banque sollicitant la levée des garanties financières liées au marché, elle a été acceptée. Le Tribunal a justifié cette décision par l’exécution correcte des travaux par l’entreprise et leur réception définitive, ce qui, selon les règles des marchés publics, libère les garanties en faveur de l’entreprise.

En définitive, le Tribunal Administratif a partiellement fait droit à la demande principale de la demanderesse en condamnant le maître d’ouvrage au paiement du solde du marché, des intérêts moratoires et de certaines indemnités liées au retard et aux garanties, tout en rejetant le surplus de ses prétentions et la demande reconventionnelle du maître d’ouvrage, et en accueillant la demande de mainlevée des garanties présentée par la banque.

Après délibération conformément à la loi,

En la forme :

• Concernant la demande principale présentée par la société (S) :

Attendu que l’Office National des Chemins de Fer (ONCF) a soulevé l’irrecevabilité des demandes et des mémoires présentés par la société (S) en cette qualité, considérant qu’elle était soumise à une procédure de redressement judiciaire, suite au jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Casablanca en date du 22 avril 2024, dans le dossier n° 2023/8308/254, ayant prononcé la résolution du plan de continuation de la société, la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire et la désignation de Maître Ahmed Falah en qualité de syndic de liquidation, jugement qui a été confirmé en appel le 14 octobre 2024.

Attendu qu’aux termes de l’alinéa 2 de l’article 651 du Code de commerce, le jugement prononçant la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens, y compris de ceux qu’il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n’est pas clôturée. Le syndic exerce les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine pendant toute la durée de la liquidation judiciaire.   

Attendu que, sur la base de ce qui précède et considérant que la procédure a été régularisée en la personne du syndic de liquidation judiciaire, il y a lieu de déclarer recevables toutes les demandes et les mémoires déposés par la société antérieurement à son placement en liquidation judiciaire, tandis que les demandes et les mémoires postérieurs au jugement de liquidation judiciaire doivent être présentés par le syndic seul, à l’exclusion de tout autre. En conséquence, le mémoire après expertise tripartite déposé par la société en la personne de son dirigeant en date du 27 novembre 2024 demeure sans aucun effet juridique et ne peut être pris en considération par le tribunal qui, dès lors, ne peut que déclarer recevables les demandes et les mémoires déposés par le syndic de liquidation judiciaire après le prononcé du jugement de liquidation, parmi lesquels figure le mémoire après expertise par lequel les demandes définitives ont été fixées.

• Concernant la demande reconventionnelle présentée par l’Office National des Chemins de Fer :

Attendu que l’Office National des Chemins de Fer a introduit une demande reconventionnelle tendant à la condamnation de la société (S), en la personne de son représentant légal, à lui payer une indemnité globale de 240.624.071,36 dirhams, avec les intérêts légaux à compter de la date de la demande reconventionnelle, soit le 22 juillet 2022, jusqu’à exécution, l’exécution provisoire du jugement et la condamnation aux dépens.

Attendu que la demande a été présentée conformément aux conditions légales requises, il convient dès lors de la déclarer recevable en la forme.

• Concernant la demande d’intervention de la banque et de la compagnie d’assurance (N) :

Attendu que l’Office National des Chemins de Fer a introduit une demande d’intervention de la banque  dans la procédure.

Attendu que la demande d’intervention a été présentée conformément à l’article 103 du Code de procédure civile et satisfait aux conditions légales requises, il convient dès lors de la déclarer recevable en la forme.

Attendu que la société (S) a introduit une demande d’intervention de la compagnie d’assurance (N) dans la procédure.

Attendu que la demande d’intervention a été présentée par la société (S) à l’audience du 27 mai 2024, alors qu’à cette date, elle était soumise à la liquidation judiciaire en vertu du jugement rendu le 22 avril 2024 et produit devant le tribunal à l’audience du 7 mai 2024. Par conséquent, la demande d’intervention devait être présentée par le syndic de liquidation judiciaire, ce qui rend la demande d’intervention irrecevable en la forme, ayant été introduite par une personne dépourvue de qualité pour agir.

• Concernant la demande reconventionnelle présentée par la banque :

Attendu que la banque, par le biais de son mandataire, a introduit une demande reconventionnelle tendant à la condamnation de l’Office National des Chemins de Fer à restituer les actifs de la garantie qui lui a été accordée dans le cadre du marché n° 13T013, sous astreinte de 10.000 dirhams par jour de retard, et à défaut, à ce que le jugement à intervenir vaille mainlevée de ces garanties, avec condamnation des défendeurs aux dépens.

Attendu que la demande a été présentée conformément aux conditions légales requises, il convient dès lors de la déclarer recevable en la forme.

Au fond :

• Concernant la demande principale :

Attendu que la demande finale tend à la condamnation du défendeur à payer à la demanderesse une indemnité globale de 38.736.420,46 dirhams.

Attendu que la demande est fondée sur le fait que la réalisation du projet objet du marché a connu un ensemble de problèmes majeurs indépendants de la volonté de la demanderesse, lui causant d’importants préjudices consistant en : le retard dans la libération du lieu d’exécution des travaux, la libération de l’emprise et la levée des contraintes des réseaux, la notification de l’ordre de service de démarrage des travaux à un moment où les conditions météorologiques ne permettaient pas de travailler, le retard dans la remise des plans et études d’exécution, l’existence de travaux supplémentaires, des conditions météorologiques exceptionnellement mauvaises, le retard des travaux résultant des glissements de terrain et de l’apparition de zones de sols instables entre les points kilométriques 23 et 28, autant d’obstacles dont le maître d’ouvrage supporte la plus grande part de responsabilité et qui ont été la cause du retard du démarrage des travaux et de la baisse de la productivité, et que cela lui a causé plusieurs préjudices, qu’elle a réalisé des travaux restés impayés, que les travaux hors marché et non inclus dans l’avenant n° 2 au contrat de marché n’ont pas été payés à ce jour, que le retard dans le paiement des décomptes en cours d’exécution du contrat était injustifié et lui a causé des préjudices devant être réparés, et qu’elle est en droit d’obtenir la libération de la garantie définitive et de la retenue de garantie ainsi que la réception provisoire, ce qui lui a causé des préjudices importants.

Attendu que le défendeur a soutenu que l’article 7 du Cahier des Clauses Administratives Particulières (CCAP) du marché stipule clairement que l’entreprise a visité et pris connaissance du site des travaux et des ouvrages existants, a consulté les rapports techniques des sols, les contraintes d’exploitation, les possibilités d’accès et les données topographiques des lieux, et a déclaré qu’après cet examen, elle a effectué toutes les études qu’elle jugeait nécessaires pour déterminer les conditions d’exécution des travaux. Le même article a également confirmé que l’entreprise ne peut élever aucune réclamation ni demander aucune indemnité en raison de dommages ou de dépenses imprévus qu’elle considérerait comme découlant des informations qui lui ont été fournies par les documents contractuels, y compris le contrat de marché, ou en raison d’une mauvaise appréciation des risques. Sur la base de cet article, la demanderesse n’est pas autorisée à invoquer ultérieurement, après la conclusion du contrat de marché, un manque d’information et de connaissance suffisant du site d’exécution des travaux ou une ignorance des conditions et contraintes de leur exécution, quelle qu’en soit la nature. L’article 7 prévoit également que l’entreprise est présumée avoir une connaissance et une étude suffisantes de toutes les conditions et modalités d’exécution des travaux du marché, qu’elle est présumée avoir personnellement contrôlé tous les détails des travaux dans leurs conditions et contraintes, et qu’elle est également présumée avoir pris connaissance de tous les détails relatifs au site d’exécution des travaux et des chantiers situés à proximité, ainsi que des possibilités et moyens d’accès, de raccordement à l’eau et à l’électricité, etc. Il en résulte clairement qu’elle a accepté en connaissance de cause l’environnement et les conditions du contrat, et que tout retard allégué est dû à sa mauvaise gestion du marché et à l’utilisation de moyens et de capacités insuffisants. Il a affirmé avoir rempli toutes ses obligations concernant la libération du site des travaux. Quant à l’allégation de mauvaises conditions météorologiques, l’état du temps relève par nature des conditions et contraintes d’exécution des travaux et fait donc partie intégrante des contraintes et des circonstances exceptionnelles inhérentes aux travaux, régies par les clauses contractuelles du marché, notamment l’article 13-2 du CCAP qui oblige l’entrepreneur à en tenir compte dans sa programmation. Concernant les travaux supplémentaires, la demanderesse a conclu avec l’ONCF l’avenant n° 2 relatif aux travaux supplémentaires, dont la durée d’exécution a été fixée à 8 mois supplémentaires et pour lesquels la demanderesse a perçu l’intégralité de ses droits, les prix ayant été fixés d’un commun accord dans ledit avenant, ainsi que le marché négocié n° 18T014 conclu avec la demanderesse pour la réparation des graves manquements qui lui étaient imputés et qui a été payé. Par conséquent, il n’a causé aucun retard dans les travaux.

Attendu qu’à la lecture des éléments du litige et des données de l’affaire, il apparaît que le cœur du différend porte sur la question de savoir si le marché litigieux a connu un retard dans l’exécution des travaux, à qui incombe la responsabilité du retard s’il y en a eu, et si la société a exécuté les travaux conformément aux clauses contractuelles du marché, aux plans et aux documents qui lui ont été remis, ou si des manquements dans l’exécution desdits travaux lui sont imputables.

1- Concernant l’indemnisation des préjudices subis par la demanderesse en raison du report des travaux :

Attendu que, s’agissant de données purement techniques et factuelles, le tribunal a ordonné une première expertise confiée à l’expert assermenté Zouhair Benani, qui a été remplacé par l’expert Hassan Rabhi. Cependant, face à la contestation par les parties des deux rapports d’expertise réalisés, à l’absence de réponse des experts aux points soulevés par le jugement avant dire droit ordonnant l’expertise, et à la contradiction des experts dans la conclusion à laquelle ils sont parvenus, le tribunal a finalement décidé, pour trancher le litige, d’ordonner une expertise tripartite confiée aux experts Mohamed Fouad Chaouni, Abderrahman Benchakroun et Abdelhak Sahnoun.

Attendu que le rapport d’expertise répond aux conditions de forme et de fond, et contient les éléments suffisants pour éclairer le tribunal dans sa décision. Les moyens soulevés par l’ONCF à son sujet, relatifs à la présence de représentants de la société alors que seul le syndic avait qualité pour être présent, ne sont pas fondés. En effet, le syndic a la capacité de représentation légale, qui inclut l’introduction et la défense en justice. La présence de représentants de la société à l’expertise relève d’une mission de présence pour le déroulement de l’expertise et non d’une capacité de représentation légale qui leur dénierait la qualité pour assister à l’expertise. De plus, conformément à l’article 49 du Code de procédure civile, les exceptions de nullité pour vice de forme ou de procédure ne sont admises par le tribunal que si la partie qu’elles concernent a subi un préjudice effectif, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Attendu que, concernant le moyen tiré de l’article 7 du CCAP stipulant que l’entreprise a visité et pris connaissance du site des travaux et des ouvrages existants, a consulté les rapports ainsi que les contraintes d’exploitation, les possibilités d’accès et les données topographiques des lieux, et qu’elle ne peut élever aucune réclamation ni demander aucune indemnité en raison de dommages ou de dépenses imprévus qu’elle considérerait comme découlant des informations qui lui ont été fournies par les documents contractuels, y compris le contrat de marché, ou en raison d’une mauvaise appréciation des risques, et qu’elle n’est pas autorisée à invoquer ultérieurement, après la conclusion du contrat de marché, un manque d’information et de connaissance suffisant du site d’exécution des travaux ou une ignorance des conditions et contraintes de leur exécution, quelle qu’en soit la nature, cela est subordonné au fait que cela ait été basé sur les informations fournies à la société par les documents contractuels, les données et les plans, et à une connaissance suffisante du site d’exécution des travaux et à une connaissance claire des conditions et contraintes d’exécution. Par conséquent, le critère pour affirmer que l’entreprise n’a pas droit à une indemnisation pour les dommages ou dépenses imprévus est de savoir si les contraintes d’exécution des travaux étaient apparentes dès le début ou non, de manière à constituer une difficulté dans la réalisation des travaux et à ne pas pouvoir être prévues lors de la signature du marché.

Attendu qu’il ressort du rapport d’expertise que les seuls arrêts ayant affecté la réalisation du marché sont ceux liés à l’obstruction du chantier par les riverains, et que la durée de ces arrêts est fixée à 399 jours par des ordres de service d’arrêt des travaux émis par le défendeur. Il est manifeste que l’obstruction du chantier par les riverains est un événement imprévisible lors de la signature du marché et constitue une difficulté dans la réalisation des travaux, de sorte que l’article 7 invoqué par le défendeur, qui a émis des ordres de service d’arrêt des travaux pour cette raison, ne s’applique pas. En tant que maître d’ouvrage, ce dernier est tenu de libérer et de viabiliser l’assiette foncière en prenant toutes les mesures nécessaires pour garantir l’accès de l’entreprise au lieu des travaux. Il n’y a donc pas lieu de soutenir qu’il a rempli son obligation de libérer le chantier, dès lors que les arrêts ont été effectués sur la base d’ordres de service émis par lui, conformément aux pièces du dossier et dont la durée est fixée à 399 jours selon le rapport d’expertise. Le fait du report des travaux est donc établi en l’espèce, et les moyens soulevés concernant l’absence de responsabilité de l’ONCF ne sont pas fondés et doivent être rejetés.

Attendu que, concernant le moyen tiré de l’absence de droit à indemnisation en raison du non-respect par la demanderesse des dispositions de l’article 48 du Cahier des Clauses Administratives Générales (CCAG) pour ne pas avoir adressé de demande à l’administration en vue d’une indemnisation, le champ d’application des dispositions de la procédure administrative de demande d’indemnisation pour report ou suspension des travaux est limité à la demande adressée au maître d’ouvrage, et non à la demande présentée devant les tribunaux. En l’absence de disposition légale expresse imposant le respect de la procédure administrative prévue à cet égard comme condition préalable à la saisine des tribunaux, le non-respect par l’entreprise de ladite procédure ne fait pas obstacle à son droit de demander en justice une indemnisation pour l’arrêt des travaux. C’est ce qu’a affirmé la Cour de Cassation dans de nombreux arrêts concordants, dont l’arrêt n° 1/1147 rendu le 6 octobre 2014 dans le dossier n° 2012/1/4/2075, dont les motifs indiquent que « la cour d’appel, en confirmant le jugement de première instance, a adopté tous les motifs qui y sont contenus et qui indiquent à juste titre que la lecture des dispositions de l’article 44 du Cahier des Clauses Administratives signifie qu’il s’agit de la procédure d’indemnisation que l’administration effectue de sa propre initiative et non sur la base d’une décision de justice, où les demandes de l’entrepreneur ne sont recevables que s’il respecte les dispositions susmentionnées, et que l’expression « non-recevabilité » ne s’applique pas au droit de l’entrepreneur de présenter sa demande devant les tribunaux, car rien n’indique que le passage à la phase judiciaire du litige nécessite le respect de la phase administrative prévue à l’article 44 susmentionné… ». Par conséquent, le moyen soulevé n’est pas fondé et doit être rejeté.

Attendu que, sur la base de ce qui précède et compte tenu de la preuve de l’arrêt des travaux pendant 399 jours, la société demanderesse est en droit d’obtenir une indemnisation pour les préjudices liés à cet arrêt, à condition de prouver le dommage en produisant les documents et justificatifs établissant la nature, la qualité et l’étendue de ces préjudices, ainsi que les dépenses supplémentaires qu’elle a supportées de ce fait et les autres dépenses résultant du report des travaux et liées au chantier.

Attendu que, revenant aux pièces du dossier et selon les constatations du rapport d’expertise, les frais généraux, dans lesquels sont inclus les autres frais résultant de l’arrêt, sont compris dans la composition des prix et ne peuvent être comptabilisés deux fois.

Que les frais relatifs au siège social sont des coûts fixes qu’elle supporte dans tous les cas et qui ne sont pas liés à un projet ou à un autre.

Par conséquent, ils ne peuvent être inclus dans les dommages indemnisables. Quant aux frais de maintien des moyens humains et matériels sur le chantier, le dossier ne contient aucun élément indiquant le nombre d’engins et les documents nécessaires pour vérifier le préjudice déclaré (factures et documents prouvant que les équipements et engins appartiennent à la société ou sont loués, procès-verbaux de chantier et justificatifs des dépenses réellement effectuées). Elle n’a pas non plus produit d’éléments indiquant qu’elle a été contrainte de réaliser une unité supplémentaire de fabrication de béton qui n’était pas prévue, ni un chantier de forage de pieux, ni l’immobilisation des engins sur le chantier pendant une durée supplémentaire en raison de l’obstruction des riverains. Par conséquent, le préjudice réel et effectif résultant directement du report des travaux n’est pas établi en l’espèce, de sorte que la demande d’indemnisation à ce titre n’est pas fondée.

2- Concernant la demande de paiement des travaux réalisés et non payés et des travaux supplémentaires :

Attendu que la demanderesse fonde sa demande de paiement sur le fait que le défendeur n’a pas payé certains travaux réalisés ainsi que les travaux supplémentaires.

Attendu qu’il est de jurisprudence constante en matière de marchés publics que le prix dû au cocontractant de l’administration n’est payé qu’après l’exécution des travaux ou la prestation du service objet du marché, le contrat de marché étant un contrat synallagmatique impliquant l’exécution par chacune des parties de ses obligations conformément aux conditions et spécifications convenues dans le contrat de marché, et que la réception des travaux ou des services constitue la preuve de l’exécution par le cocontractant de ses obligations contractuelles, de sorte que la signature par l’administration des procès-verbaux de réception provisoire et définitive des travaux établit une présomption de leur achèvement et de leur réalisation conformément à ce qui a été convenu et donne droit à l’entreprise de réclamer leur valeur.

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier que le défendeur a réceptionné provisoirement les travaux avec levée de toutes les réserves le 17 juin 2019, conformément au procès-verbal de réception provisoire produit au dossier. Il est de jurisprudence administrative constante qu’une fois la réception provisoire acquise et le délai de garantie expiré sans que le maître d’ouvrage n’ait émis d’observations sur les travaux réalisés après la réception provisoire, c’est-à-dire pendant toute la période de garantie s’étendant de la date de la réception provisoire à la date présumée de la réception définitive, l’obligation du cocontractant de l’administration est éteinte. Par conséquent, la réception définitive est acquise automatiquement dès l’expiration d’un délai d’un an à compter de la réception provisoire, ce qui est connu sous le nom de réception définitive tacite ou effective des travaux objet du marché. C’est ce qu’a affirmé la Cour de Cassation dans de nombreux arrêts, dont l’arrêt n° 60 rendu le 21 janvier 2021 dans le dossier administratif n° 2019/1/4/5813, qui stipule que « le tribunal, ayant constaté la réalisation et la réception des travaux et l’écoulement de plus d’un an, et en ayant déduit la réalisation de la réception définitive en l’absence de toute réserve de l’administration pendant l’année suivant la réception provisoire, et ayant statué sur le droit de l’entreprise à la valeur des travaux après avoir établi que la cause du retard dans leur exécution était imputable au maître d’ouvrage, a fondé sa décision sur une base juridique saine ». Par conséquent, le moyen soulevé par le défendeur concernant l’absence de réception définitive n’est pas fondé et doit être rejeté.

Attendu qu’il ressort du rapport d’expertise que la société demanderesse est toujours débitrice envers le défendeur du montant du décompte final n° 61, s’élevant à 4.982.142,59 dirhams. En l’absence d’éléments au dossier indiquant le paiement, la demanderesse est en droit de réclamer le montant susmentionné. Il n’y a pas lieu de soutenir qu’elle est débitrice d’un montant supérieur et qu’elle n’a pas signé le décompte susmentionné, alors qu’il est établi que le défendeur l’avait déjà invitée à signer le décompte, mais qu’elle s’y était opposée, conformément aux pièces du dossier, notamment la correspondance par courrier électronique en raison de la pandémie de Covid-19. Par conséquent, le refus de la demanderesse de signer le décompte final sans émettre de réserves le rend opposable à elle, conformément à ce qu’a affirmé la Cour de Cassation dans son arrêt n° 1/127 rendu le 30 janvier 2014 dans le dossier n° 2012/1/4/2555, dont les motifs indiquent que « le moyen soulevé par le requérant à l’encontre de l’arrêt est fondé, car il avait déjà soutenu devant la cour d’appel administrative la violation par le jugement attaqué des articles 60 et 62 du Cahier des Clauses Administratives Générales, expliquant que l’entreprise intimée avait refusé de signer le décompte final sans indiquer de motifs ni émettre de réserves, de sorte que ce décompte était devenu opposable à elle conformément aux dispositions des paragraphes 7 et 8 de l’article 62 précité… ». Il convient dès lors de condamner le défendeur à payer à la demanderesse le montant du décompte final n° 61, soit 4.982.142,59 dirhams.

Attendu que, concernant le moyen soulevé par le défendeur selon lequel, en raison des malfaçons techniques et des désordres qui ont affecté les travaux réalisés et qui ont entraîné l’apparition de fissures et l’effondrement soudain de parties de la plateforme de la ligne à grande vitesse et de ses annexes quelques mois avant l’inauguration officielle, il a été contraint de conclure un nouveau marché négocié avec la demanderesse pour la réparation et la remise en état des graves désordres, compte tenu du lien et de la connexité entre ce moyen et la demande reconventionnelle présentée par l’ONCF, le tribunal estime opportun de discuter dudit moyen dans la seconde partie du jugement relative à la demande reconventionnelle.

Attendu que, concernant les travaux supplémentaires, considérés comme ceux réalisés en dehors de l’exécution convenue des obligations contractuelles, mais qui sont matériellement liés à ces obligations, ils constituent donc un ajout aux stipulations du contrat, mais sont effectués pendant la phase d’exécution car ils sont nécessaires à la bonne et exacte exécution de celui-ci, et que, conformément aux dispositions du Cahier des Clauses Administratives Générales applicable aux marchés de travaux, les travaux supplémentaires sont ceux qui ne sont pas inclus dans le marché et qui sont ordonnés par le maître d’ouvrage par un ordre de service exécuté immédiatement sans modifier l’objet du marché, de sorte que la demande de paiement de leur valeur est subordonnée à l’existence d’éléments permettant de les considérer comme des travaux supplémentaires dans le cadre du marché initial, c’est-à-dire qu’ils sont nécessaires à la réalisation des premiers travaux et y sont liés, et que leur bonne exécution ne peut avoir lieu qu’avec l’ordre du maître d’ouvrage ou un accord ou une acceptation de leur réalisation.

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier et du rapport d’expertise qu’aucun élément dans les documents du dossier n’indique la réalisation par la défenderesse des travaux supplémentaires dont le paiement est demandé, et que les travaux supplémentaires établis sont ceux qui font l’objet de l’avenant n° 2 et du marché négocié n° T01418, dont la situation financière a été réglée et pour lesquels la demanderesse a perçu ses droits. En l’absence d’ordre de service du maître d’ouvrage pour la réalisation de travaux supplémentaires, d’accord à ce sujet entre les parties, et d’éléments indiquant la réalisation de ces travaux et leur acceptation par le maître d’ouvrage, et que le décompte final ne mentionne aucun travail supplémentaire, la demande de la demanderesse en paiement de la valeur des travaux supplémentaires est dépourvue de fondement juridique, conformément à ce qu’a affirmé la Cour de Cassation dans son arrêt n° 794/2 rendu le 8 décembre 2016 dans le dossier n° 2015/1/4/1487, qui stipule : « Le tribunal ayant rendu l’arrêt attaqué a confirmé le jugement de première instance sans vérifier l’existence de l’accord du maître d’ouvrage pour la réalisation de travaux supplémentaires dépassant 10% de la valeur du marché en vertu de l’ordre de service daté du 26 mars 2008 et ce qui prouve la réalisation effective des travaux en dehors du cadre du contrat de marché et sans tenir compte du décompte provisoire contenant un état détaillé des travaux réalisés et des montants restants, qui ne mentionne aucun travail supplémentaire, alors que ce décompte est accepté par la société intimée signataire par son représentant légal, de plus, le procès-verbal de réception provisoire ne contient aucune mention de travaux hors marché qui auraient été réceptionnés par le maître d’ouvrage, et que le tribunal s’est basé sur les déclarations de la société intimée consignées dans le rapport de l’expert qui n’a pas indiqué la nature des travaux hors marché et leur étendue, ni s’ils étaient dans les limites des travaux supplémentaires prévus par la loi. Ce qui a privé la Cour de Cassation de son contrôle sur l’existence des conditions de paiement des travaux supplémentaires, rendant sa décision insuffisamment motivée et donc susceptible de cassation. »

3- Concernant l’indemnisation relative aux frais de retenue de garantie, de garantie définitive et aux frais d’assurance :

Attendu que, concernant l’indemnisation du retard dans la libération de la retenue de garantie et de la garantie définitive, il est de notoriété que la retenue de garantie et la garantie définitive restent affectées au profit du maître d’ouvrage en garantie de l’exécution de l’objet du marché, et qu’il en est donné mainlevée et qu’elles sont restituées au titulaire du marché, ou que les cautions qui les remplacent sont libérées, lorsque ce dernier a exécuté les travaux ou les services objet du marché et que la réception définitive a eu lieu. Étant donné que la réception est acquise et que le fait du report des travaux est établi conformément à ce que le tribunal a conclu ci-dessus, le non-déblocage des garanties par le maître d’ouvrage entraîne un préjudice consistant en le paiement d’intérêts bancaires supplémentaires d’un montant de 7.390.881,09 dirhams, conformément aux constatations du rapport d’expertise, de sorte qu’il convient de condamner le défendeur à payer ce montant à la demanderesse.

Attendu que, concernant les coûts financiers supplémentaires liés à l’assurance, l’entreprise contractante avec le maître d’ouvrage étant tenue, avant de commencer l’exécution des travaux, d’assurer le projet pour couvrir les risques liés à l’exécution du marché, et compte tenu de la preuve du report des travaux, cela a entraîné des dépenses supplémentaires pour la durée prévue de l’exécution, dont la valeur, selon le rapport d’expertise, s’élève à 1.271.034,11 dirhams, de sorte qu’il convient de condamner le défendeur à payer ce montant à la demanderesse.

4- Concernant les intérêts moratoires :

Attendu que, conformément aux dispositions du décret n° 2.16.344 relatif à la fixation des délais de paiement et des intérêts moratoires afférents aux commandes publiques, les intérêts moratoires sont dus lorsque l’ordonnancement et le paiement des sommes dues n’ont pas été effectués dans le délai fixé, lorsque le retard est imputable à l’administration. Leur exigibilité est subordonnée à ce que le retard soit imputable à l’administration seule et que les sommes pour lesquelles des intérêts moratoires sont demandés concernent des travaux qui ont été effectivement réalisés et dont la réalisation a été constatée.

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier et du rapport d’expertise susmentionné que la demanderesse percevait les montants des décomptes avec des retards, conformément à ce qui est indiqué dans le rapport d’expertise, et que le montant total des intérêts moratoires résultant de ces retards s’élève à 5.818.314,62 dirhams, outre les intérêts moratoires afférents au décompte final n° 61 resté impayé, dont le montant s’élève à 841.931,59 dirhams. Il convient dès lors de condamner le défendeur à payer ces montants à la demanderesse.