Et après délibération conformément à la loi :
Attendu que d’après les documents du dossier et la décision attaquée n° 2013/4864 rendue le 13/11/2014 par la Cour d’appel commerciale de Casablanca dans le dossier n° 15/2011/5400, il ressort que la société requérante, la Compagnie d’Assurances Al-Nahda, a notifié aux locataires défendeurs au pourvoi, Messieurs B. Radouane et B. Ibrahim, un avis d’éviction conformément à l’article 6 du Dahir du 24/5/1955, en raison de sa volonté d’exploiter personnellement le local loué. Elle a entamé une procédure de conciliation et introduit une action visant à valider l’avis d’évacuation et à ordonner aux locataires de libérer le local loué. Elle a également présenté un mémoire accompagné d’une demande visant à faire intervenir Messieurs Z. Mohamed et Z. El-Mohamed dans la procédure, en précisant que le local en litige lui avait été cédé par les intervenants en vertu d’un acte stipulant que l’immeuble cédé était libre de tout bail ou occupation, et qu’elle ne saurait être tenue de payer une indemnité en raison de la tromperie des vendeurs.
Attendu que l’expertise réalisée par l’expert M. Mustapha Maddah a évalué l’indemnité à 650 000 dirhams. Après la clôture des procédures, le tribunal de commerce a rendu un jugement validant l’avis d’évacuation, ordonnant aux locataires de libérer le local situé au 97, avenue Mohammed V à El Jadida, et condamnant la demanderesse à payer aux locataires une indemnité totale de 600 000 dirhams, tout en rejetant la demande d’intervention. La demanderesse a interjeté appel, et la Cour d’appel commerciale a ordonné une expertise confiée à M. Abdelrafia Bennani, qui a proposé un montant de 420 000 dirhams comme indemnité d’évacuation. À l’issue des débats, la Cour d’appel commerciale a confirmé le jugement attaqué, lequel fait l’objet du présent pourvoi.
Attendu que parmi les moyens invoqués par la requérante figure le défaut de motivation de la décision. Elle soutient que la juridiction d’appel a écarté l’expertise réalisée par M. Abdelrafia Bennani, ordonnée par la Cour elle-même, et s’est fondée sur l’expertise initiale de M. Mustapha Maddah, en se contentant de relever que la requérante n’avait pas réagi à l’expertise contradictoire, sans justifier les raisons pour lesquelles elle a adopté la première expertise, alors que la requérante l’avait contestée et avait produit au cours de la procédure une expertise de M. Abdelhak Ben Ziyat, qui avait estimé la valeur du fonds de commerce à 200 000 dirhams. La Cour a ignoré les arguments et objections soulevés concernant la première expertise, et elle aurait dû ordonner une autre expertise contradictoire en raison des contradictions flagrantes entre les conclusions des trois expertises. Ainsi, la décision attaquée repose sur une motivation insuffisante, équivalant à une absence de motivation, ce qui justifie son annulation.
Attendu que le moyen est fondé, dans la mesure où la requérante a contesté en appel l’évaluation de l’indemnité retenue par l’expert M. Mustapha Maddah, qui l’avait fixée à 650 000 dirhams, et a produit une expertise réalisée par M. Abdelhak Ben Ziyat, qui avait proposé un montant de 200 000 dirhams. La Cour avait alors décidé d’ordonner une nouvelle expertise confiée à M. Abdelrafia Bennani, qui a estimé l’indemnité à 420 000 dirhams. Toutefois, bien que les divergences surévaluées entre les expertises aient été soulevées devant elle, la juridiction d’appel a écarté la nouvelle expertise au motif que la requérante n’avait pas commenté celle-ci, sans répondre aux moyens soulevés concernant la surestimation de l’indemnité, en particulier face à des écarts substantiels entre les évaluations des expertises. Cette insuffisance de motivation justifie l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle a statué sur l’indemnité.
Par ces motifs,
La Cour casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Casablanca, et renvoie l’affaire devant cette même juridiction.