Liquidation judiciaire : Le défaut de paiement d’une créance, même constatée par un jugement, est insuffisant à caractériser l’état de cessation des paiements (Trib. com. Casablanca 2017)

Réf : 15602

Résumé en français

Le tribunal rappelle que la procédure de liquidation judiciaire ne constitue pas une voie d’exécution alternative pour un créancier isolé, mais une mesure conditionnée par la preuve d’un véritable état de cessation des paiements au sens de l’article 560 du Code de commerce.

Cet état ne se réduit pas à un simple défaut de paiement, même établi par un titre exécutoire, mais s’entend d’une situation financière structurellement et irrémédiablement compromise, où l’actif disponible est insuffisant pour couvrir le passif exigible. La charge de la preuve de ce déséquilibre global pèse sur le créancier demandeur.

En l’espèce, la production d’un unique procès-verbal de saisie mobilière infructueuse est jugée insuffisante pour établir une telle situation. La demande, s’analysant en une tentative de détourner la procédure collective de sa finalité de traitement des difficultés de l’entreprise, est par conséquent rejetée.

Texte intégral

بناء على المقال المقدم من طرف المدعية بواسطة نائبها و المؤذاة عنه الرسوم القضائية بتاريخ 06/03/2017 و الذي تعرض فيه أنها دائنة لشركة (ش. ف) بمبلغ 5.954.520,65 درهما ثابت بموجب بالحكم عدد 3250 الصادر بتاريخ 19-03-2015 في الملف عدد 190/8201/2015 عن المحكمة التجارية بالدار البيضاء القاضي بأداء شركة (ش. ف) للمدعية المبلغ المذكور و أن هذا الحكم تم تأييده إستئنافيا بموجب القرار الإستئنافي عدد 5329 بتاريخ 27/10/2015 في الملف عدد 2975/8221/2015 و أن البنك باشر إجراءات التنفيذ ضد الشركة بواسطة المفوض القضائي السيد جمال (أ) الذي حرر محضر الحجز التنفيذي على منقولات عبارات عن مكاتب و متلاشيات و تعذر بيعها لعدم تقديم عروض و أنه أثناء مباشرة تنفيذ الحكم في مواجهة كل من السيد (ل) و كمال (ل) فوجئ بكون المحكوم ضدهما مؤرخين في 18ـ3ـ2016 و أنه تبعا لذلك فإن الشركة لم تتخذ الإجراءات الواجبة من أجل الحفاظ على إستمراريتها و أنه بالرغم من وجودها في في حالة عدم التوقف عن الدفع فإن المسير لم يباشر الإجراءات القانونية داخل أجل 15 يوما و أنه عملا بمقتضيات المادة 704 من مدونة التجارة و المادة 706 من نفس القانون يتعين تمديد المسطرة للمسير و التمست الحكم بفتح مسطرة التصفية القضائية في مواجهة (ش. ف) و الحكم بتمديد مسطرة التصفية إلى مسيريها كمال (ل) و محمد (ل) و سقوط أهليتهما التجارية لمدة 5 سنوات و تعيين سنديك و قاضي منتدب و شمول الحكم بالنفاذ المعجل و أدلى بنسخة حكم و نسخة من محضر إخباري ونسخة من محضر بعدم تقديم عروض و نسخة حكم و نسخة من محضر حجز تنفيذي على منقولات مع إعلان البيع.

و بناءا على إدراج الملف أخيرا بجلسة 03/04/2017 أدلى السيد وكيل الملك بمستنتجاته الكتابية و اعتبرت المحكمة القضية جاهزة فتقرر حجز الملف للمداولة لجلسة 10/04/2017.

وبعد المداولة طبقا للقانون

في الشكل

حيث قدم المقال مستوفيا لكافة الشروط المتطلبة قانونا فيتعين التصريح بقبوله.

42/8303/2017

في الموضوع

حيث يرمي الطلب إلى الحكم بفتح مسطرة التصفية القضائية في حق المدعى عليها و تمديد المسطرة إلى لمسيريها.

و حيث أنه التوقف عن الدفع حسب المادة 560 من م.ت هو عدم القدرة على سداد الديون المستحقة عند الحلول الشيء الذي يعني الحجز وحصول الاختلال في الموازنة المالية للمقاولة.

و حيث أن التوقف عن الدفع كشرط موضوعي لتبرير فتح مساطر معالجة صعوبات المقاولة أو التصفية القضائية يتعين أن يكون هناك دين ثابت حال الأداء و مطالب به و هو ما استقر عليه الاجتهاد القضائي و إذا كان الطلب مقدما من طرف الدائن فيلزم أن يكون قد سلك المساطر المخولة له قانونا للحصول على مبلغ دينه المحكوم به له.

و حيث أن التوقف عن الدفع يقتضي تقصي أسباب امتناع المدين عن الوفاء بديونه و البحث في مركزه المالي الحقيقي إذ أن مجرد الامتناع عن دفع دين واحد أو عدة ديون لا يكفي وحده لاعتبار التاجر متوقف عن الدفع بل يجب أن يكون التاجر في مركز ميؤوس منه و بدون مخرج.

و حيث أن التوقف عن الدفع يقتضي تحقق شرطين أساسيين و هما وجود ديون حالة و مطالب بها و وجود اختلال في الموازنة المالية للمقاولة يتضح من خلال وضعية رؤوس الأموال الذاتية و الاحتياطي المتداول و كذا وضعية الخزينة الصافية بشكل يجعلها عاجزة عن أداء الديون الحالة و المطالب بها قضائيا.

و حيث أن المدعية لم تثبت أن المدعى عليها توجد في حالة توقف عن الدفع بمفهومه القانوني و الاقتصادي أي أن الملف لا يوجد فيه ما يفيد أن عجز المدعى عليها حقيقي و مستمر و ينبني عن سوء حالتها و فقدان ائتمانها لدى التجار بمعنى أن أصولها بمختلف أنواعها غير قادرة على تغطية خصومها المستحقة.

و حيث إذا كانت المدعية قد تعذر عليها الحصول على دينها المشرع لم يجعل مساطر معالجة صعوبات المقاولة وسيلة من وسائل جبر المدين على تنفيذ التزاماته أو تنفيذ الأحكام و إنما شرعت لمساعدة المقاولة على تجاوز ما يعترضها من صعوبات مالية و حماية الجانب الاقتصادي و الاجتماعي المرتبط بها.

و حيث أنه بانتفاء شرط التوقف عن الدفع المنصوص عليه في المادة 560 من م.ت يبقى الطلب غير ذي أساس و يتعين التصريح برفضه.

و حيث أن خاسر الدعوى يتحمل صائرها.

و تطبيقا للمواد 50/124 من ق.م.م و 560 من م.ت.

لهذه الأسباب

حكمت المحكمة بجلستها العلنية ابتدائيا و حضوريا.

قبول الطلب شكلا و رفضه موضوعا مع إبقاء الصائر على رافعه.

وبهذا صدر الحكم و تلي في اليوم و الشهر و السنة أعلاه

Version française de la décision

Sur la base de la requête introductive d’instance présentée par la demanderesse par l’intermédiaire de son représentant, pour laquelle les droits de timbre ont été acquittés en date du 06/03/2017, dans laquelle elle expose être créancière de la société (Sh. F.) à hauteur d’un montant de 5.954.520,65 dirhams, constaté par le jugement numéro 3250 rendu le 19/03/2015 dans le dossier numéro 190/8201/2015 par le Tribunal de Commerce de Casablanca, condamnant la société (Sh. F.) à payer à la demanderesse ledit montant. Ledit jugement a été confirmé en appel par l’arrêt numéro 5329 en date du 27/10/2015 dans le dossier numéro 2975/8221/2015. La banque a engagé des mesures d’exécution forcée à l’encontre de la société par l’intermédiaire de l’huissier de justice, Maître Jamal (A.), qui a dressé un procès-verbal de saisie-exécution sur des biens mobiliers consistant en des bureaux et des rebuts, dont la vente s’est avérée impossible faute d’offres. Lors de la mise en œuvre de l’exécution du jugement à l’encontre de Messieurs (L.) et Kamal (L.), il a été surpris de constater le décès des défendeurs en date du 18/03/2016. En conséquence, la société n’a pas pris les mesures nécessaires pour assurer sa continuité. Bien que se trouvant en état de cessation des paiements, le gérant n’a pas accompli les formalités légales dans le délai de 15 jours. En application des dispositions de l’article 704 et de l’article 706 du Code de commerce, il convient d’étendre la procédure au gérant. Elle a sollicité de voir prononcer l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société (Sh. F.), d’étendre la procédure de liquidation à ses gérants, Kamal (L.) et Mohamed (L.), de prononcer leur déchéance commerciale pour une durée de 5 ans, de désigner un syndic et un juge-commissaire, et d’ordonner l’exécution provisoire du jugement. Elle a produit une copie du jugement, une copie d’un procès-verbal de notification, une copie d’un procès-verbal de carence d’offres, une copie du jugement, et une copie d’un procès-verbal de saisie-exécution sur des biens mobiliers avec annonce de vente.

Vu l’inscription finale de l’affaire à l’audience du 03/04/2017, le Ministère Public a déposé ses conclusions écrites. Le Tribunal a considéré l’affaire en état d’être jugée et a décidé de la mettre en délibéré à l’audience du 10/04/2017.

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

SUR LA FORME

Attendu que la requête a été présentée conformément à toutes les conditions requises par la loi, il y a lieu de la déclarer recevable.

42/8303/2017

AU FOND

Attendu que la demande vise à voir prononcer l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la défenderesse et à étendre la procédure à ses gérants.

Attendu que la cessation des paiements, au sens de l’article 560 du Code de commerce, est l’incapacité de régler les dettes échues à leur échéance, ce qui signifie une situation de déséquilibre financier de l’entreprise.

Attendu que la cessation des paiements, en tant que condition de fond justifiant l’ouverture d’une procédure de traitement des difficultés de l’entreprise ou de liquidation judiciaire, requiert l’existence d’une créance certaine, exigible et réclamée, conformément à la jurisprudence constante. Si la demande est présentée par un créancier, il est nécessaire que celui-ci ait eu recours aux procédures que lui confère la loi pour obtenir le recouvrement du montant de sa créance judiciairement reconnue.

Attendu que la cessation des paiements exige d’examiner les raisons du refus du débiteur de s’acquitter de ses dettes et d’enquêter sur sa véritable situation financière, car le simple refus de payer une ou plusieurs dettes ne suffit pas à lui seul à considérer le commerçant comme étant en cessation des paiements. Il faut que le commerçant se trouve dans une situation irrémédiablement compromise et sans issue.

Attendu que la cessation des paiements requiert la réunion de deux conditions essentielles, à savoir l’existence de dettes exigibles et réclamées, et un déséquilibre de la situation financière de l’entreprise se manifestant à travers la situation des capitaux propres, de l’actif circulant, ainsi que de la trésorerie nette, de manière à la rendre incapable de régler les dettes exigibles et réclamées en justice.

Attendu que la demanderesse n’a pas établi que la défenderesse se trouve en état de cessation des paiements, dans son acception juridique et économique. Autrement dit, le dossier ne contient aucun élément prouvant que le passif de la défenderesse est réel, durable et résulte de sa mauvaise situation et de la perte de son crédit, en ce sens que son actif, sous toutes ses formes, est insuffisant pour couvrir son passif exigible.

Attendu que, si la demanderesse n’a pu obtenir le recouvrement de sa créance, le législateur n’a pas fait des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise un moyen de contraindre le débiteur à exécuter ses obligations ou à exécuter les décisions de justice. Elles ont bien plutôt été instituées pour aider l’entreprise à surmonter les difficultés financières qu’elle rencontre et pour protéger la dimension économique et sociale qui y est attachée.

Attendu qu’en l’absence de la condition de la cessation des paiements, prévue à l’article 560 du Code de commerce, la demande est dénuée de fondement et doit être rejetée.

Attendu que la partie qui succombe supporte les dépens.

Et en application des articles 50 et 124 du Code de procédure civile et 560 du Code de commerce.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, siégeant en audience publique, statuant en premier ressort et par jugement contradictoire :

Déclare la demande recevable en la forme, la rejette au fond, et laisse les dépens à la charge de la demanderesse.

Ainsi prononcé et lu au jour, mois et an que dessus.

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