La Cour d’appel de commerce a été saisie d’un appel interjeté par un établissement bancaire à l’encontre d’une ordonnance du président du Tribunal de Commerce de Rabat ayant rejeté sa demande de mainlevée d’une saisie-arrêt pratiquée à son encontre.

L’appelant arguait notamment de l’absence de créance justifiant la saisie, de l’existence d’une ordonnance du juge d’instruction ordonnant le dépôt de la même somme à la caisse du tribunal dans le cadre d’une procédure pénale, et de l’existence d’une créance privilégiée qu’il détenait à l’encontre de la société saisissante pour un montant supérieur à celui de la saisie.

La Cour a considéré que le dépôt de la créance litigieuse à la caisse du tribunal correctionnel, ordonné par le juge d’instruction dans le cadre d’une procédure pénale portant sur les mêmes faits et impliquant les mêmes parties, constituait une garantie suffisante pour la société saisissante. Dès lors, le maintien de la saisie conservatoire auprès de l’établissement bancaire n’était plus justifié et portait préjudice à ses intérêts commerciaux en sa qualité d’établissement de crédit et à ses relations avec ses partenaires et clients.

La Cour a également relevé que la procédure pénale en cours, portant sur des faits susceptibles de constituer des délits et impliquant les mêmes parties et la même créance que le litige commercial, revêtait un caractère d’ordre public. De ce fait, les impératifs liés à la recherche de la vérité et à l’application de la loi pénale étaient considérés comme prépondérants par rapport aux mesures conservatoires civiles, dont le maintien se trouvait ainsi fragilisé par les incertitudes planant sur la légitimité de la créance fondant la saisie.

En outre, l’exception de chose jugée soulevée par l’intimée a été écartée, la Cour distinguant clairement la demande de mainlevée, relevant d’une mesure conservatoire, de l’action en validation, relevant de l’exécution. Les arguments de l’intimée ont été jugés inopérants dans le cadre spécifique de la requête tendant à la mainlevée de saisie.

En définitive, la Cour d’appel a estimé que le dépôt des fonds par l’appelante assurait une protection adéquate des droits de la créancière, rendant le maintien de la saisie-arrêt sans justification et dommageable. Elle a, en conséquence, infirmé l’ordonnance rendue en première instance, ordonné la mainlevée de la saisie et condamné l’intimée aux dépens.

Motifs de l’appel

Attendu que l’appelant a exposé dans ses motifs d’appel l’incohérence du raisonnement de l’ordonnance entreprise, en ce qu’elle a considéré que l’ordonnance du juge commissaire était une décision portant condamnation au paiement et en l’absence des conditions de l’article 488 du Code de procédure civile ; que l’incohérence du raisonnement de l’ordonnance entreprise se manifeste en ce qu’elle a erronément qualifié la portée de l’ordonnance du juge commissaire, la considérant comme une ordonnance portant condamnation au paiement alors qu’en réalité, elle statue sur une obligation de faire consistant en le transfert du montant actuellement déposé à la caisse du tribunal correctionnel en vertu d’une ordonnance du juge d’instruction vers le compte de redressement judiciaire ouvert auprès de la banque (Y) sous le contrôle du syndic du redressement judiciaire au profit de la masse des créanciers ; qu’il n’y a pas lieu de discuter du fait que l’ordonnance porte sur une obligation de faire et non une obligation de payer ; que cette erreur de qualification sur laquelle est fondée l’ordonnance entreprise l’expose à la nullité et à l’annulation ; qu’en effet, une obligation de faire et, par nature, tout titre judiciaire ordonnant une obligation de faire ne permet pas en soi de pratiquer une saisie sur son fondement ; qu’il convient de rappeler que l’intimée a fondé sa demande sur le fait qu’elle était créancière de l’appelant d’une somme de 10.586.201,59 dirhams sur la base de l’ordonnance rendue le 31 octobre 2023 par le juge commissaire près le Tribunal de commerce de Casablanca dans le dossier n° 219/8304/2023, et a sollicité en conséquence, en tant que demandeur à la saisie, l’autorisation de pratiquer une saisie auprès de tiers pour garantir son recouvrement, alors qu’il en est autrement ; que cette ordonnance sur laquelle repose la demande de mainlevée de la saisie, contrairement à ce qu’a retenu l’ordonnance entreprise, n’a pas condamné l’appelant à payer au demandeur à la saisie une quelconque somme, mais a statué comme suit : « Ordonnons à la banque (Y) de transférer la somme de 10.586.201,59 dirhams du compte bancaire ouvert auprès d’elle sous le numéro 21XXXXXXXXXXX vers le compte de redressement judiciaire numéro 06XXXXXXXXXXX ouvert auprès de la banque (Y) et d’affecter le montant dont le transfert est ordonné au paiement des dettes de la procédure et chargeons le syndic de contrôler les opérations portées sur ce compte bancaire spécial du redressement judiciaire, avec exécution provisoire et mise des dépens à la charge du défendeur » ; que l’ordonnance rendue par le juge commissaire n’a pas, d’une part, condamné la banque à payer une quelconque somme d’argent au profit de l’intimée demanderesse à la saisie, à titre personnel, et d’autre part, elle a seulement ordonné d’accomplir un acte consistant en le transfert d’une somme d’argent d’un compte spécial vers le compte de redressement judiciaire, en prévoyant son affectation au paiement des dettes de la procédure au profit de la masse des créanciers et non à son profit ; que l’obtention d’une ordonnance de saisie conservatoire auprès de tiers entraîne, après épuisement de la procédure de l’article 492 du Code de procédure civile, l’obligation de son exécution dans les limites de son dispositif et au profit du créancier saisissant à titre personnel, ce qui est contraire au dispositif de l’ordonnance du juge commissaire sur laquelle est fondée la saisie, rendant ainsi la mainlevée de la saisie justifiée et devant être accordée ; qu’en conséquence, lorsque le tribunal a ordonné à l’appelant d’accomplir un acte devant être exécuté par le défendeur à l’exécution ou de s’abstenir d’accomplir l’acte requis, la société (D) n’est pas en droit d’engager des procédures d’exécution forcée contre la banque appelante et de lui réclamer le paiement du montant susmentionné et d’obtenir des saisies conservatoires pour garantir le recouvrement de ce paiement, car l’ordonnance sur laquelle elle se fonde n’a pas ordonné à l’appelant de payer une quelconque somme au profit de la société (D) ; qu’il ressort expressément du procès-verbal de mise en demeure d’exécuter l’ordonnance qu’il a été demandé à l’appelant de se conformer à ce qui a été ordonné et non d’exécuter une décision portant condamnation au paiement de sommes d’argent ; que si tel était le cas, comme le prétend l’intimée, l’huissier de justice aurait engagé des procédures d’exécution forcée à l’encontre de l’appelant conformément aux dispositions du Code de procédure civile ; qu’il apparaît ainsi que l’intimée ne dispose d’aucune décision constatant la condamnation de l’appelant au paiement de la somme de 10.586.201,59 dirhams, et que les conditions de l’article 488 du Code de procédure civile ne sont pas réunies dès lors qu’il n’existe aucune dette à la charge de la banque et que le titre judiciaire produit ne condamne pas l’appelant au paiement d’une quelconque dette susceptible de faire l’objet d’une saisie conservatoire, mais qu’il s’agit d’une ordonnance portant obligation de faire consistant en le transfert d’une somme du compte du demandeur à la saisie ouvert auprès d’elle vers un autre compte bancaire de ce dernier ouvert auprès d’un autre établissement bancaire, et non d’une ordonnance de paiement d’une dette, rendant ainsi la saisie dont la mainlevée est demandée abusive et injustifiée ; que la preuve de l’absence des conditions de l’article 488 du Code de procédure civile en l’espèce, contrairement à ce qu’a retenu l’ordonnance entreprise, réside dans l’expertise judiciaire que la banque (X) avait précédemment obtenue par ordonnance rendue le 15 février 2024 par le président du Tribunal de commerce de Casablanca dans le dossier n° 6444/8103/2024 ; que l’ordonnance précitée a désigné l’expert Monsieur Hassan Chaib Aïnou afin de se rendre au siège de la banque pour consulter les relevés de comptes bancaires et les documents commerciaux afin de constater et de déterminer la nature de l’opération concernant la somme de 10.565.289,19 dirhams et de déterminer s’il s’agit de sommes d’argent appartenant à la société (D) dans le cadre d’une contre-passation bancaire pour la régularisation de comptes internes conformément au droit comptable ou s’il s’agit d’un montant perçu par le demandeur sur le compte de la société (D) ; que l’expert désigné a établi un rapport daté du 4 mars 2024 duquel il ressort qu’après consultation des relevés de comptes produits, il lui est apparu que la banque avait effectué un ensemble d’avances sur factoring qui ont été enregistrées au débit du compte d’avance numéro 26XXXXXXXXXXX pour un montant total de 10.565.289,19 dirhams et que ce montant a été contre-passé au crédit du compte courant numéro 21XXXXXXXXXXX ; que l’expert désigné a ajouté qu’il ressort de la comparaison du montant total des factures cédées et des montants des avances que la banque a accordé un financement total de 12.349.954,13 dirhams au titre d’avances sur un ensemble de factures faisant l’objet de la cession et dont la valeur totale s’élève à 22.915.243,32 dirhams, ce qui signifie que le montant non financé des factures s’élève à 10.565.289,19 dirhams ; qu’en conséquence, l’expert désigné a conclu qu’après consultation des relevés produits, la banque a enregistré la somme de 10.565.289,19 dirhams au compte indisponible numéro 90XXXXXXXXXXX dans l’attente du recouvrement total du montant des factures cédées ; qu’il a également ajouté qu’au vu des documents produits, la banque n’a pas pu recouvrer le montant des factures enregistrées au compte indisponible, ce qui l’a contrainte à annuler le solde du compte interne numéro 90XXXXXXXXXXX conformément aux dispositions de la circulaire du Wali de Bank Al-Maghrib relative au classement des créances en souffrance ; que dans ce cadre, la banque a annulé les montants non financés en contre-passant le montant litigieux au crédit du compte d’avance sur factoring tout en commettant une erreur au niveau du libellé, car elle aurait dû indiquer dans le relevé de compte qu’il s’agissait de l’annulation des montants non financés, et la banque a enregistré la contrepartie du montant au débit du compte courant ; qu’en conséquence, l’expert a conclu à la fin de son rapport que la somme de 10.565.289,19 dirhams ne concerne pas un montant perçu par la banque sur le compte de la société (D), mais qu’il s’agit d’une opération de contre-passation de comptes internes conformément au droit comptable et aux dispositions de la circulaire du Wali de Bank Al-Maghrib n° 19 publiée en décembre 2002 ; qu’il est ainsi établi que la somme de 10.565.289,19 dirhams ne concerne pas des sommes d’argent déposées au profit de la société (D) sur son compte interne, mais qu’il s’agit d’une annulation de compte à compte liée au compte de factoring interne conformément aux exigences du plan comptable ou de la récupération d’une provision constituée pour couvrir une garantie bancaire ; que cela prouve la violation par l’ordonnance entreprise de l’article 488 du Code de procédure civile dans tout ce qu’elle a décidé, dès lors qu’elle a refusé la mainlevée de la saisie alors que cette dernière a été ordonnée sans que la prétendue créance du saisissant (D) ne remplisse les conditions de l’article précité ; que l’ordonnance entreprise est ainsi contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation qui considère que lorsque le saisi prouve l’inexistence ou l’extinction de la créance, il prouve ainsi que la saisie auprès de tiers pratiquée ne remplit pas les conditions de l’article 488 du Code de procédure civile.

Concernant l’insuffisance de motivation de l’ordonnance entreprise équivalant à son absence en raison d’une confusion quant aux parties au litige, l’appelant a été victime d’une tentative d’escroquerie et de tentative de recouvrement de sommes d’argent importantes indues par des moyens purement frauduleux et par l’utilisation de procédés dolosifs de la part de la société (D) et de ses dirigeants ; que dans ce cadre, il convient de souligner que la société (D) possède un compte bancaire auprès de l’établissement bancaire (X) numéro XXXXXXXXXXXX60, et que ce dernier a enregistré une opération comptable au débit du compte de la société (D) le 23 juillet 2020 pour un montant de 10.565.289,19 dirhams avec annulation de son enregistrement au débit du même compte à la même date et pour le même montant, ce qui correspond comptablement à une :

opération d’annulation compte à compte liée au compte interne de factoring selon l’exigence du plan comptable (compte d’affacturage disponible avec non disponible)

Que l’intimée, la société (D) et ses dirigeants ont exploité cette situation et ont demandé à la banque (X) de transférer la somme de 10.565.289,19 dirhams vers le compte de redressement judiciaire numéro 06XXXXXXXXXXX ouvert auprès de la banque (Y) et ont obtenu une ordonnance du juge commissaire près le Tribunal de commerce de Casablanca les y autorisant, comme mentionné ci-dessus ; mais comme il a été expliqué précédemment concernant la somme de 10.565.289,19 dirhams, il ne s’agit pas d’une somme perçue mais d’une simple contre-passation d’une opération comptable enregistrée au compte, car à la même date, soit le 23 juillet 2020, une opération au débit d’un montant de 10.565.289,19 dirhams a été enregistrée avec annulation de son enregistrement au débit du même compte à la même date et pour le même montant, ce qui correspond à une opération d’annulation de compte à compte liée au compte interne des opérations de factoring conformément aux exigences du plan comptable (compte interne de factoring disponible avec compte interne non disponible), puisque ce montant a été enregistré et débité simultanément ; mais que les sommes que la société (D) peut demander à recouvrer sont les sommes perçues par son compte bancaire ouvert avant sa soumission à la procédure de traitement effectuée par des tiers et non les opérations de contre-passation effectuées sur le compte bancaire dans le cadre des exigences du plan comptable ; qu’en conséquence, la banque a déposé une citation directe complémentaire à l’encontre de la société (D) et à l’encontre de Messieurs Fouad (J), Karim (J) et Mohamed (A), qui fait l’objet du dossier d’instruction numéro 47/2024 ; que de plus, par ordonnance du juge d’instruction rendue le 1er juillet 2024, il a ordonné à l’appelant de déposer cette même somme prétendue par la société (D), soit la somme de 10.565.289,19 dirhams, à la caisse du tribunal jusqu’à la fin de l’instruction ; que la banque appelante a exécuté l’ordonnance précitée et a déposé cette même somme à la caisse du tribunal correctionnel ; que, d’une part, cela constitue une preuve que la prétendue créance de la société (D) au sujet de laquelle elle a obtenu une ordonnance de saisie est une créance inexistante, puisqu’elle a conduit à la commission d’un délit soumis au juge d’instruction, ce qui prouve l’inexistence de cette créance et, en tout état de cause, elle fait l’objet d’un dépôt provisoire au profit de l’intimée jusqu’à la fin des procédures d’instruction en cours à son encontre à ce sujet ; mais que l’ordonnance entreprise a rejeté ce moyen en considérant, d’une part, que l’ordonnance produite, émanant de la quatrième chambre d’instruction près le Tribunal de première instance correctionnel de Casablanca en date du 1er juillet 2024, est dépourvue de toute indication selon laquelle le montant dont le dépôt est ordonné est le même que celui ordonné par le juge commissaire dans le dossier numéro 219/8304/2024 et sur la base duquel la saisie dont la mainlevée est actuellement demandée a été pratiquée ; et d’autre part, en l’absence de preuve d’une imbrication de la procédure commerciale avec la procédure pénale et de la suspension de la première par l’issue de la seconde, notamment en raison de la différence des parties dans les deux procédures ; mais que ce raisonnement ne peut être suivi car il suffit de consulter la requête adressée au juge d’instruction par l’appelante pour constater qu’elle concerne le même montant faisant l’objet de la saisie auprès de tiers dont la mainlevée est actuellement demandée ; et qu’il suffit de consulter la plainte complémentaire déposée par l’appelant et à la suite de laquelle l’ordonnance de dépôt du montant de la saisie à la caisse du tribunal correctionnel a été rendue pour constater qu’elle est dirigée contre la société (D), qui est la demanderesse à la saisie dont la mainlevée est actuellement demandée, ainsi que ses dirigeants ; qu’ainsi, le raisonnement suivi par l’ordonnance entreprise est erroné dès lors que les parties à l’instance commerciale sont les mêmes que les parties à l’instance pénale, à savoir la banque et la demanderesse à la saisie, la société (D) ; que l’ordonnance de dépôt des fonds rendue par le juge d’instruction, bien qu’elle ne mentionne pas que le montant dont le dépôt est ordonné est le même que celui ordonné par le juge commissaire dans le dossier numéro 219/8304/2024 et sur la base duquel la saisie dont la mainlevée est actuellement demandée a été pratiquée, la requête à la suite de laquelle cette ordonnance a été rendue suffit à confirmer cette identité et à affirmer qu’il s’agit du même montant ; que l’ordonnance entreprise est ainsi entachée d’une insuffisance de motivation équivalant à son absence, ce qui l’expose à l’annulation.

Concernant la violation par l’ordonnance entreprise de la règle selon laquelle l’ordonnance du juge d’instruction prévaut sur l’ordonnance de saisie : l’ordonnance entreprise est également dépourvue de tout fondement dès lors que l’ordonnance du juge d’instruction ordonnant le dépôt de la même somme litigieuse à la caisse du tribunal et son exécution par l’appelant est une ordonnance rendue dans le cadre des dispositions du Code de procédure pénale qui sont d’ordre public, ce qui, pour la raison susmentionnée, la rend prévalente sur l’ordonnance de saisie, d’autant plus que les règles relatives aux saisies ne sont pas d’ordre public et que l’ordonnance de saisie a été rendue en l’absence des parties ; qu’ainsi, l’ordonnance entreprise a également violé la règle selon laquelle ce qui est ordonné par la juridiction pénale, qu’il s’agisse d’une décision d’instruction ou d’une ordonnance, même rendue sous forme d’ordonnance, prévaut par nature sur l’ordonnance de saisie ; que le non-respect de cette règle, qui est également d’ordre public, rend également l’ordonnance entreprise susceptible d’annulation ; que l’absence de fondement de l’ordonnance entreprise dans tout ce qu’elle a décidé ressort du fait qu’elle n’a pas pris en considération que la même somme est déposée en vertu d’une ordonnance du juge d’instruction, comme il a été expliqué précédemment, rendant ainsi l’ordonnance entreprise également contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation qui considère que l’obtention d’une saisie sur une somme déjà déposée à la caisse du tribunal constitue un abus de droit de la part du saisissant dans l’exercice d’un droit que lui confère la loi.

Concernant l’absence de justification de la saisie objet du présent appel et la nécessité de sa mainlevée découlant de l’existence d’une créance définitive de la banque à l’encontre de l’intimée à concurrence de 122.636.578,85 dirhams à titre privilégié, créance supérieure au montant de la saisie : ce qui prouve que la saisie objet de la présente requête est injustifiée est que la banque est le véritable créancier et non l’inverse ; que dans le cadre de la procédure de vérification de la créance déclarée par l’appelant à l’encontre de l’intimée, la Cour d’appel de commerce a rendu l’arrêt n° 4985 en date du 21 octobre 2024 dans le dossier n° 1372/8313/2022, confirmant l’ordonnance entreprise avec modification, en portant le montant admis au profit de l’appelant, la banque (X), à 122.636.578,85 dirhams à titre privilégié ; que cet arrêt définitif confirme l’existence d’une créance restant due par la société (D) à l’appelant, supérieure au montant de la saisie pratiquée sur son compte objet de la présente requête ; qu’en tout état de cause, l’obligation de payer s’éteint par l’exécution de la prestation due au créancier conformément aux conditions fixées par la convention ou la loi, en application des dispositions de l’article 320 du Dahir formant Code des obligations et des contrats ; qu’il suffit de constater cet arrêt pour affirmer la nécessité de la mainlevée de la saisie.

Concernant la pluralité des saisies pratiquées sur les fonds de la banque et le prononcé d’un jugement validant l’une d’elles : ce qui prouve également que la saisie contestée actuellement est injustifiée est que la même saisissante, à savoir la société (D) soumise à la procédure de redressement judiciaire, avait précédemment obtenu à l’encontre de la banque plusieurs saisies pour garantir le paiement du même montant ; que, d’une part, la multiplicité des procédures de saisie exécutées dans le cadre de ce dossier ne présente aucune logique juridique ; qu’il convient de rappeler que le montant dû a été déposé à la caisse du tribunal, ce qui signifie que le débiteur a satisfait à ses obligations légales ; que le dépôt du montant auprès du tribunal équivaut, conformément à la loi, à un paiement effectif de la prétendue créance, rendant ainsi toute procédure de saisie supplémentaire sans fondement, ce transfert offrant au créancier une garantie suffisante, rendant toute autre mesure excessive et dépourvue de fondement juridique valable ; que l’objectif principal de la saisie est de garantir le paiement de la créance, ce qui, en l’espèce, a déjà été réalisé par le dépôt du montant ; que, par conséquent, la répétition des procédures de saisie devient non seulement inutile, mais contraire au principe de sécurité juridique ; que, d’autre part, et plus encore, l’ordonnance de saisie n° 414 rendue le 29 mars 2024 susmentionnée, qui ordonnait une saisie sur les fonds de la banque entre les mains de la Société Nationale de Garantie et de Financement de l’Entreprise, sur la base du même montant de 10.586.201,39 dirhams, a fait l’objet de l’ordonnance n° 626 rendue le 23 juillet 2024 par le Tribunal de première instance de commerce de Rabat dans le recours n° 425/11/2024, qui a statué sur la validation de la saisie pratiquée entre les mains de la Société Nationale de Garantie et de Financement de l’Entreprise, objet de l’ordonnance de saisie n° 414 rendue le 29 mars 2024 dans le dossier n° 414/8105/2024, et a ordonné à cette dernière de remettre à la demanderesse, la société (D) – compte de redressement-, la somme de 10.586.201,5 dirhams avec exécution provisoire et mise des dépens à la charge du saisi ; que l’ordonnance de validation de la saisie constitue un titre exécutoire et concerne le même montant prétendument dû par l’intimée ; que cela constitue une preuve irréfutable que la saisie objet de la présente requête est une saisie sans justification ni fondement ; que la procédure de saisie concernant le même montant a été épuisée par la saisissante par l’ordonnance précédente susmentionnée en date du 29 mars 2024, qui a été validée de manière définitive ; que, dès lors que la saisie objet du présent appel est sans justification ni fondement, cela constitue une preuve d’abus de droit de la part de la saisissante dans l’utilisation de la voie de la saisie auprès de tiers, ni plus ni moins ; qu’il est constant que lorsque le demandeur à la saisie obtient une ordonnance de saisie, en demande la validation et obtient satisfaction, il ne peut ensuite pratiquer d’autres saisies auprès de tiers sur la base du même montant ; que tout cela prouve que la saisie contestée actuellement est sans justification ni fondement, ce qui justifie qu’il soit ordonné sa mainlevée. Concernant la contrariété de l’ordonnance contestée actuellement à la jurisprudence : dès lors que la saisie susmentionnée, validée par l’ordonnance rendue le 23 juillet 2024, est assortie de l’exécution provisoire et constitue une décision définitive et un titre exécutoire, la Cour de cassation considère ce qui suit : justifie la mainlevée de la saisie ultérieure car il n’est pas permis au saisissant de présenter un quelconque autre prétexte pour obtenir une saisie auprès du même saisi sur le même montant prétendument dû (arrêt de la Cour de cassation n° 7 du 3 janvier 2013 dans le dossier commercial n° 2011/1/3/1215, publié dans la revue « Al Qada’a Al Maghribi » n° 76, page 166) ; dans le même contexte et à la lumière d’une situation similaire, la Cour de cassation considère que le fait pour le défendeur d’obtenir une seconde saisie sur le même montant déposé au profit de …, alors qu’il avait connaissance de son absence de droit à cet égard et connaissait l’issue d’une affaire similaire après qu’un jugement ait été rendu sur la requête en validation de la saisie auprès de tiers, constitue un abus de droit dans l’exercice d’un droit que lui confère la loi (arrêt de la Cour de cassation n° 272 du 23 juin 2016 dans le dossier n° 14/1/3/984, publié dans la revue « Al Qada’a Al Maghribi » n° 81, page 110) ; qu’en outre, l’appelant est un établissement de crédit et financier, et que la jurisprudence est également constante à considérer que la saisie des fonds des établissements financiers, et notamment des banques, est contraire à l’objectif de la saisie auprès de tiers qui est de protéger le créancier de l’insolvabilité du débiteur… que les établissements financiers disposant de garanties suffisantes pour le paiement de leurs créances et opérant sous la tutelle du Ministère des Finances et de Bank Al-Maghrib, sont présumés solvables, ce qui rend la saisie auprès de tiers pratiquée à l’encontre d’une banque injustifiée (ordonnance du Président du Tribunal de première instance de Casablanca du 23 janvier 2008 dans le dossier n° 346/08, publiée dans la revue « Al Ichâa » n° 34 et 35, page 391).

Et sollicite, pour les motifs susmentionnés, l’annulation de l’ordonnance entreprise dans toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, d’ordonner la mainlevée de la saisie pratiquée sur les fonds de l’appelant entre les mains de la banque (Z) en vertu de l’ordonnance rendue le 29 mars 2024, objet du dossier distinct n° 2024/8105/412 près le Tribunal de commerce de Rabat, et de laisser tous les dépens de première instance et d’appel à la charge de l’intimée, la société (D).

Attendu le mémoire en réplique déposé par l’intimée, la société (D), par le biais de son conseil à l’audience du 18 novembre 2024, dans laquelle il est indiqué qu’à titre principal, sur l’exception de chose déjà jugée, l’appel n’est pas recevable en droit, car la banque avait précédemment saisi le Président du Tribunal de commerce de Rabat d’une requête tendant à la mainlevée de la saisie auprès de tiers entre les mêmes parties, requête ayant donné lieu au dossier n° 608/8107/2024 et ayant été rejetée pour incompétence, rejet confirmé par l’arrêt n° 4551 rendu le 1er octobre 2024 par la Cour d’appel de commerce de Casablanca dans le dossier n° 3459/8226/2024 devant la même formation qui examine le présent dossier, et dont la copie de l’arrêt n’est pas encore établie ; qu’elle produit une copie du jugement de première instance ; qu’en conséquence, la présente action demeure irrecevable pour violation de l’article 451 du Dahir formant Code des obligations et des contrats ; que la banque n’est pas en droit d’introduire une nouvelle action pour solliciter la même chose que celle qui a été tranchée par la Cour d’appel de commerce de Casablanca, ce qui rend la présente action introduite par la banque entre les mêmes parties irrecevable pour chose déjà jugée par la Cour d’appel de commerce dans l’action précédente, entraînant ainsi le rejet de la demande pour chose déjà jugée.

Quant à la réponse à l’exception relative à l’absence des conditions de l’article 488 du Code de procédure civile et à la qualification de l’ordonnance du juge commissaire comme une décision portant condamnation au paiement : concernant ce qui a été soulevé par la banque quant à l’absence de créance et pour lequel une expertise a été produite, et que le juge ayant rectifié la saisie n’est pas un degré de juridiction permettant de soumettre à nouveau le litige sous les aspects qui ont déjà été discutés par le tribunal du fond, et comme il est de notoriété publique, les recours contre les jugements et arrêts ont leurs voies prévues par la loi et le juge ayant rectifié la saisie n’est pas un degré de juridiction permettant de soumettre à nouveau un litige et de discuter des moyens de preuve des parties qui ont déjà été examinés et tranchés par le tribunal du fond, ce qui rend sans fondement ce à quoi s’est attachée l’appelante ; et concernant le moyen soulevé par la banque selon lequel elle aurait obtenu du juge d’instruction une ordonnance de dépôt de la somme d’argent objet de la saisie : qu’il ressort de la lecture de la plainte produite par le tribunal que son objet et ses parties ne concernent pas la présente action qui est une action en exécution, sans compter que l’argumentation de la banque relative à l’ordonnance rendue par le juge d’instruction ne concerne pas l’intimée mais seulement les procédures d’instruction et est dirigée principalement à l’encontre du gérant légal de l’intimée et ne concerne absolument pas l’exécution de la saisie auprès de tiers objet de la présente action ; que la présente action concerne l’engagement des procédures d’exécution de l’ordonnance de saisie auprès de tiers fondée sur une ordonnance définitive à l’égard de laquelle la saisie a exercé les voies de recours, de suspension d’exécution et de mainlevée de la saisie, et dans lesquelles il a été statué sur leur rejet et sur la confirmation de l’ordonnance sur laquelle l’intimée s’est fondée dans la rectification de la saisie objet de la présente action ; que cela rend sans pertinence pour l’intimée et pour l’ordonnance sur laquelle elle se fonde dans la rectification de la saisie objet de la présente action, l’argumentation du saisi relative à la citation directe et à l’ordonnance rendue par le juge d’instruction, et ne justifie pas le blocage de cette dernière, dès lors que le saisi, la banque, n’a produit au tribunal ni la preuve de l’annulation de l’ordonnance sur laquelle se fonde l’action en validation, ni la preuve de sa modification, ni la preuve de son exécution par le transfert des fonds conformément au dispositif de l’ordonnance sur laquelle se fonde la présente action.

Concernant la pluralité des saisies pratiquées sur les fonds de la banque et le prononcé d’un jugement validant l’une d’elles, l’intimée a soulevé ce qui est indiqué ci-dessus dans son mémoire en réplique, considérant que l’obtention de plusieurs ordonnances de saisie sur ses fonds auprès de tiers rend injustifiée la demande de validation de la saisie objet de la présente action ; mais l’obtention d’ordonnances de saisie, tant qu’elles n’ont pas été exécutées et qu’aucun montant n’a été recouvré par elle et que l’intimée n’a pas produit la preuve de l’exécution des montants ordonnés à son profit, son argumentation telle qu’indiquée ci-dessus demeure sans fondement ; et concernant ce qu’a soulevé l’intimée quant à l’obtention de l’ordonnance n° 626 rendue par le Tribunal de commerce de Rabat dans le dossier n° 426/8111/2024, celle-ci a fait l’objet d’un désistement de la part de l’intimée, désistement constaté par la Cour d’appel de commerce de Casablanca en date du 30 octobre 2024 (arrêt n° 5242, dossier n° 4699/8226/2024), ce qui rend également ce moyen sans fondement et doit être rejeté, et il doit être statué conformément à sa demande.

Quant au moyen soulevé par l’intimée selon lequel elle disposerait d’une créance définitive ayant fait l’objet d’une décision définitive à titre privilégié à concurrence de 122.636.678,85 dirhams, l’intimée a soulevé ce qui est indiqué ci-dessus au motif qu’elle serait également créancière de l’intimée pour le montant susmentionné et qu’il suffirait de constater le jugement rendu à son profit, c’est-à-dire au profit de l’intimée, pour rejeter la demande au motif que l’obligation s’éteint par l’exécution de la prestation due conformément aux conditions fixées par la convention ou la loi, se fondant sur les dispositions de l’article 320 du Dahir formant Code des obligations et des contrats, ajoutant qu’elle a déposé l’équivalent du montant dont la validation de la saisie est demandée, et que le moyen soulevé par l’intimée tel que susmentionné demeure sans fondement, car l’obtention par l’intimée de l’ordonnance du juge commissaire dans le cadre de la vérification de sa créance et l’inclusion de son exécution conformément au plan de continuation ne rend pas la créance de l’intimée inexistante tant que le jugement rendu au profit de l’intimée n’a été ni annulé ni modifié, d’une part ; et d’autre part, le moyen soulevé par l’intimée selon lequel elle aurait déposé le montant dont la validation de la saisie est demandée auprès de la caisse du Tribunal de première instance de Casablanca, constitue un dépôt effectué dans le cadre de la citation directe qu’elle a déposée à l’encontre de l’intimée et d’autres parties étrangères au présent litige, et le dépôt ordonné par le juge d’instruction est un dépôt destiné à garantir le bon déroulement de l’instruction et non un paiement et une exécution du jugement rendu à son profit, étant précisé que la citation directe ne limite en aucune manière les voies d’exécution prévues par le Code de procédure civile ; qu’il convient de souligner que la banque appelante avait précédemment interjeté appel d’une ordonnance de mainlevée de saisie devant la Cour d’appel de commerce de Casablanca pour les mêmes motifs exposés dans la présente requête d’appel, appel ayant donné lieu au dossier n° 3461/8226/2024 et la Cour d’appel de commerce a statué sur son rejet, ce qui rend le moyen soulevé sans fondement.