Arrêt n° 1545, en date du 18/12/2002, Dossier commercial n° 640/2002

Au nom de Sa Majesté le Roi

Et après en avoir délibéré conformément à la loi

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier, et de l’arrêt attaqué rendu par la Cour d’appel de commerce de Casablanca le 15/03/2001 dans le dossier n° 1903/2000/6, que le défendeur (B.W.) a présenté une requête exposant que, en vertu d’un contrat légalisé le 19/04/95, il a accordé à la défenderesse (S.J.B.L) un prêt d’un montant de 700.000 dirhams ; que cette dernière n’a pas honoré les échéances du prêt, devenant ainsi débitrice envers lui d’une somme de 571.468,47 dirhams ; qu’en outre, il (la banque) l’a cautionnée auprès de l’administration des douanes sans lui accorder de mainlevée, ainsi que l’atteste le relevé des cautionnements arrêté au 37/3/99, appuyé par un billet à ordre d’un montant de 500.000 dirhams ; et que Rouchdi (K) (le demandeur au pourvoi) s’est porté caution personnelle et solidaire, avec renonciation expresse aux bénéfices de division et de discussion, pour garantir le paiement des sommes dues à hauteur de 500.000 dirhams ; mais que tous deux ont refusé de payer. Il a ainsi requis de condamner (S.J.B.L) à lui payer le montant de la créance (571.468,47) avec les intérêts bancaires au taux de 14,18 %, et à lui remettre la mainlevée des cautionnements administratifs d’une valeur de 143.956,59 dirhams, sous peine d’une astreinte de 500 dirhams par jour de retard ; et de condamner le second défendeur à lui payer la somme de 500.000 dirhams avec les intérêts bancaires, et de les condamner solidairement à lui verser la somme de 20.000 dirhams à titre de dommages-intérêts, ainsi que de fixer la durée de la contrainte par corps à l’encontre de Rouchdi (K). Le tribunal de commerce a alors rendu un jugement condamnant les défendeurs à payer solidairement à la demanderesse la somme de 571.468,47 dirhams avec les intérêts légaux à compter du jour suivant la clôture du compte pour le relevé de compte, et à compter de l’échéance pour le billet à ordre, ainsi qu’une somme de 10.000 dirhams à titre de dommages-intérêts ; et ordonnant aux défendeurs de remettre à la demanderesse la mainlevée des cautionnements d’une valeur de 143.956,59 dirhams sous peine d’une astreinte de 100 dirhams par jour de retard d’exécution, et fixant la durée de la contrainte par corps à l’encontre de la caution. Ce jugement a été frappé d’appel par les défendeurs, leur acte d’appel contenant une requête en intervention forcée du chef du service du redressement judiciaire près le tribunal de commerce de Marrakech, en la personne du juge-commissaire, et de (Z) Youssef en sa qualité de syndic. Par cette requête, ils ont demandé qu’il soit sursis à statuer dans la présente instance et, subsidiairement, qu’une expertise soit ordonnée pour déterminer le montant réel de la dette, au motif qu’un jugement en date du 02/02/2000 avait prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de (S.J.B.L). La Cour d’appel de commerce a rendu l’arrêt attaqué, qui a déclaré l’appel recevable sans la requête en intervention, l’a jugé partiellement fondé, et a réformé le jugement entrepris en ordonnant de surseoir à statuer à l’encontre de (S.J.B.L) jusqu’à la déclaration de créance de l’appelant auprès du syndic, et en le confirmant à l’encontre de la caution.

Sur le premier moyen,

Attendu que le demandeur au pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué de la violation de l’article 1150 du Dahir sur les Obligations et les Contrats (D.O.C.) et des articles 686-690 du Code de commerce, au motif que la cour qui l’a rendu a sursis à statuer à l’encontre de (S.J.B.L) sans en faire bénéficier la caution, laquelle est restée tenue de payer le montant de la créance adjugée, dans la limite de 500.000 dirhams, avec les intérêts légaux au profit du défendeur, bien que sa demande de déclaration de la créance objet du litige, adressée au syndic, ait fait l’objet d’une décision de non-admission. Ceci constituerait une violation des dispositions des articles 686-690 du Code de commerce et de l’article 1150 du D.O.C., car le dernier alinéa de l’article 690 dispose que « sont éteintes les créances qui n’ont pas été déclarées et n’ont pas donné lieu à une action en relevé de forclusion ». En application des dispositions dudit article et à l’examen des pièces du dossier, notamment de l’arrêt attaqué, la créance objet du litige serait éteinte pour défaut de déclaration auprès du syndic dans le délai légal, conformément aux articles 686-687 du Code de commerce. Cela impliquerait l’extinction de la créance réclamée, ce qui est corroboré par le mémoire en réponse du défendeur, et aurait dû conduire la Cour d’appel de commerce à surseoir à statuer tant à l’encontre de la débitrice principale que de la caution. Au lieu de cela, elle a retenu que la caution ne bénéficie pas du plan de continuation en vertu des dispositions de l’article 662 du Code de commerce, alors que le défaut de déclaration des créances auprès du syndic dans le délai légal entraîne l’extinction de la créance principale, et que l’extinction de cette dernière entraîne l’extinction des engagements accessoires y afférents, y compris le contrat de cautionnement. Le dernier alinéa de l’article 690 du Code de commerce est général et absolu quant à la portée de l’extinction, énonçant que les créances s’éteignent en cas de défaut de déclaration. C’est également ce que prévoit l’article 1150 du D.O.C., qui précise que toutes les causes qui entraînent la nullité ou l’extinction de l’obligation principale entraînent celle du cautionnement. Telle est la position de la doctrine et de la jurisprudence, car l’une des caractéristiques du cautionnement est son caractère accessoire, ce qui a pour conséquence que l’engagement de la caution ne peut excéder celui du débiteur principal. Or, le défendeur n’a pas déclaré sa créance auprès du syndic, mais a présenté une requête en relevé de forclusion qui a été rejetée. L’arrêt attaqué, en se limitant à surseoir à statuer à l’encontre de la débitrice principale sans en faire bénéficier le demandeur au pourvoi, a violé les dispositions légales précitées et encourt la cassation.

Mais attendu que, outre le fait que le demandeur au pourvoi n’a jamais soutenu devant la cour d’appel que la créance était éteinte en raison du défaut de déclaration du créancier auprès du syndic, ses griefs contre l’arrêt attaqué ont porté sur le fait qu’il a été sursis à statuer à l’encontre de (S.J.B.L) sans qu’il ne bénéficie lui-même de cette mesure. Or, sa qualité de caution de la débitrice principale (S.J.B.L) fait obstacle à ce qu’il bénéficie de ladite mesure, en application des dispositions de l’article 662 du Code de commerce qui énonce que « les cautions, solidaires ou non, ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan de redressement ». C’est ce qu’a retenu, à juste titre, la Cour d’appel de commerce en énonçant que « la caution ne bénéficie pas du plan de redressement en application des dispositions de l’article 662 du Code de commerce ». De plus, elle s’est fondée sur un autre motif, non critiqué par le demandeur, en relevant que « son mémoire (celui du demandeur) en date du 18/10/99, produit en première instance, fait état de la conclusion d’un accord verbal avec (B.W.) (le défendeur) visant à mettre fin amiablement au litige sur la base d’un remboursement de la dette par mensualités de 2.000 dirhams », et que « l’aveu judiciaire est celui fait par la partie ou son mandataire dûment autorisé devant le tribunal, conformément aux dispositions de l’article 405 du D.O.C. », et que « la créance pour laquelle la caution a été condamnée dans la limite de son engagement est établie ». Par conséquent, l’argumentation du demandeur fondée sur les dispositions de l’article 1150 du D.O.C. et de l’article 690 concernant l’extinction ou non de la créance de la débitrice principale et l’extinction consécutive de son cautionnement est hors de propos. L’arrêt attaqué, qui se fonde sur l’ensemble de ces éléments, n’a violé aucune disposition légale, et le moyen est non fondé.

Sur le second moyen,

Attendu que le demandeur fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé la loi en fixant la durée de la contrainte par corps pour une dette résultant d’un engagement contractuel, et que l’arrêt attaqué, en fixant la durée de la contrainte par corps, a violé l’article précité et encourt la cassation.

Mais attendu que, outre le fait que l’article dont la violation est alléguée traite de l’impossibilité d’emprisonner une personne pour son incapacité à payer une dette résultant d’un engagement contractuel, et non pour une dette résultant de ce qui est mentionné dans le moyen, il ne ressort pas de l’arrêt attaqué qu’il ait fixé la durée de la contrainte par corps à l’encontre du demandeur en cas d’insolvabilité, et le demandeur ne l’a pas prétendu. Par conséquent, aucune disposition n’a été violée, et le moyen est non fondé.

Par ces motifs

La Cour Suprême rejette le pourvoi et condamne le demandeur aux dépens.