La Cour de cassation s’est prononcée sur les règles probatoires en matière de paiement des salaires et les conséquences de la démission du salarié.

Concernant la rupture du contrat, la Cour a confirmé que la démission, une fois établie et non contestée, rendait sans objet toute argumentation du salarié quant à un prétendu licenciement déguisé en raison d’une baisse de salaire ou d’un défaut de paiement. La démission étant un acte unilatéral de résiliation (article 34, alinéa 2, du Code du travail), elle implique le respect du délai de préavis par le salarié ou, à défaut, le versement de l’indemnité correspondante.

En revanche, la Cour a cassé la décision d’appel sur le point du paiement des salaires. Elle a rappelé que la charge de la preuve incombe à l’employeur. La Cour a jugé que la cour d’appel avait inversé la charge de la preuve en exigeant du salarié qu’il justifie la nature des sommes prétendument versées. Elle a également qualifié de défaut de motivation le fait de déduire le paiement intégral des salaires de la seule reconnaissance par le salarié de réceptions de fonds. Cette position est conforme aux articles 370 et 371 du Code du travail qui encadrent strictement la preuve du paiement du salaire, et à l’article 400 du Code des obligations et des contrats qui dispose que le débiteur doit prouver l’extinction de son obligation.

En ce qui concerne les troisième, quatrième et cinquième moyens :

Le demandeur reproche à la décision attaquée la violation de la loi interne par infraction à l’article 40 du Code du travail et un défaut de motivation équivalant à son absence. Il relève à ce propos que la décision énonce : « Attendu que l’allégation du salarié selon laquelle il aurait subi un licenciement abusif en raison de la réduction de son salaire et de contraintes l’ayant poussé à la démission est démentie par ses propres déclarations lors de l’enquête préliminaire, ce qui prive son appel de tout fondement… ». Or, selon le demandeur, une telle motivation méconnaît les dispositions légales applicables. Il ressort, en effet, clairement des pièces du dossier que l’intimée (S.M.M.) s’est abstenue de lui verser régulièrement ses salaires, les réduisant brutalement de 60.000 dirhams à 15.677 dirhams. Lui-même avait indiqué, durant l’enquête, que le litige provenait d’un différend sur la gestion du travail et de modifications dans les statuts de la société ayant entraîné la suppression d’importantes prérogatives au profit d’une autre société (S.T.). Cette baisse salariale et cette privation de compétences sont d’ailleurs attestées par des fiches de paie incontestées, constituant ainsi un licenciement déguisé au sens explicite de l’article 40 du Code du travail et selon une jurisprudence constante. Le salarié n’a ainsi eu d’autre choix que de présenter sa démission. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier et même des motifs de la décision que l’intimée n’a pas seulement diminué son salaire, mais a totalement interrompu son versement pendant plusieurs mois consécutifs, constituant une faute grave et un licenciement abusif déguisé, justifiant ainsi l’octroi d’indemnités, contrairement à ce qu’a jugé la cour d’appel.

Le demandeur invoque également la violation des articles 231, 232 et 251 du Code du travail, reprochant à la cour d’avoir réduit l’indemnité qui lui était due au titre du congé annuel non pris durant les deux dernières années de 86.538,46 à 48.461,53 dirhams, en s’appuyant à tort sur l’année civile. Or, les indemnités relatives aux congés annuels se calculent, conformément aux articles précités, sur la durée effective du travail et non sur l’année administrative débutant le 1er janvier. Le salarié avait effectivement travaillé durant les deux dernières années (du 31/01/2010 jusqu’à son départ), sans avoir bénéficié de ses congés annuels ni perçu d’indemnité correspondante, ce qui était d’ailleurs reconnu et non contesté par l’intimée. En outre, la cour n’a pas tenu compte du congé supplémentaire d’ancienneté prévu par l’article 232, bien qu’il ait acquis une ancienneté supérieure à cinq ans, ouvrant droit à un jour et demi supplémentaire par an.

Il reproche enfin la violation de l’article 51 du même Code, dès lors que la cour a confirmé le jugement de première instance allouant à l’intimée une indemnité de préavis de 180.000 dirhams. Or, selon lui, sa rupture de contrat résultait précisément d’une réduction drastique de son salaire et du non-paiement de celui-ci durant la dernière année, établissant ainsi clairement que l’intimée était à l’origine de cette rupture. Dès lors, c’était à elle d’indemniser le salarié pour défaut de préavis, et non l’inverse. Ainsi, en statuant autrement, l’arrêt attaqué a enfreint la loi.

Toutefois, d’une part, il est constant que le demandeur a présenté sa démission, ce qui n’a pas été contesté. Dès lors que cette démission est devenue définitive faute de contestation, il n’y a pas lieu de revenir sur les circonstances l’ayant motivée, telles la baisse de salaire, les retards de paiement ou les modifications statutaires alléguées. En confirmant le jugement rejetant les prétentions du salarié fondées sur un prétendu licenciement, la cour a donc statué à bon droit.

D’autre part, en vertu de l’article 34 alinéa 2 du Code du travail, le salarié ayant mis fin à la relation contractuelle par démission se devait uniquement de respecter le préavis prévu. Faute de s’y être conformé, il doit à l’employeur (S.M.M.) une indemnité de préavis, et la cour, en la lui accordant, a justement appliqué la loi. Son affirmation selon laquelle l’intimée serait débitrice de cette indemnité au motif d’un licenciement subi est contraire à la réalité des faits et ne peut prospérer. Quant à l’indemnité relative aux congés annuels, il ressort de la demande introductive d’instance que le salarié l’avait expressément calculée à compter du 01/01/2017, correspondant ainsi à l’année administrative. Le raisonnement adopté par la cour sur ce point est donc conforme à la durée effective du travail. Enfin, le moyen tiré du congé supplémentaire d’ancienneté n’ayant pas été soulevé devant les juges du fond, il ne saurait être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation. Ainsi, la décision attaquée apparaît régulièrement motivée, et les moyens invoqués, tant irrecevables que non fondés, doivent être écartés.

En ce qui concerne les premier et deuxième moyens réunis :

Le demandeur fait grief à l’arrêt d’avoir violé les articles 406 du Code des obligations et contrats et 32 du Code de procédure civile en statuant qu’il lui appartenait de prouver les motifs des sommes perçues auprès de l’intimée et en relevant ses prétendues contradictions relatives au non-paiement de son salaire depuis le 01/01/2011, ce qui constituerait une présomption incontestable de paiement effectif jusqu’en janvier 2012. Or, il avait constamment invoqué sa qualité d’associé à hauteur de 50 %, non contestée explicitement par l’intimée malgré plusieurs échanges contradictoires, ce qui équivaut à un aveu implicite selon l’article 406 précité. Par ailleurs, la cour ne lui a pas ordonné de produire les documents justifiant sa qualité d’associé, alors qu’elle y était tenue par l’article 32 du CPC. De surcroît, la dimension financière importante de la société (capital de 5 millions de dirhams) constituait, selon lui, une forte présomption en faveur de ses allégations concernant sa participation aux bénéfices, distincte de son salaire. La cour, en exigeant une preuve supplémentaire et en rejetant ses prétentions faute de celle-ci, a donc méconnu les textes précités.

Il reproche également à la cour d’avoir violé les articles 400, 454 et 455 du COC ainsi que les articles 370 et 371 du Code du travail, en se fondant uniquement sur une présomption tirée de contradictions dans ses déclarations, non corroborée par d’autres présomptions concordantes ni par serment, comme l’exige la loi. Selon les articles 370 et 371 précités, le salarié bénéficie d’une protection renforcée concernant la preuve du paiement des salaires, celle-ci incombant prioritairement à l’employeur. Or, la cour a inversé indûment la charge de la preuve, considérant les fiches de paie, non signées et établies par l’employeur, comme suffisantes, en violation flagrante des dispositions légales précitées.

Ces critiques apparaissent fondées dès lors que le salarié avait précisément demandé le paiement de ses salaires pour la période litigieuse, et qu’en l’absence d’une preuve complète et concluante du versement des sommes dues par l’intimée, c’était à celle-ci qu’il revenait de rapporter la preuve effective du paiement intégral. En écartant cette obligation et en se fondant sur une présomption isolée de contradictions alléguées dans les propos du salarié, la cour a motivé sa décision de façon insuffisante, équivalant à une absence de motifs, entraînant ainsi la cassation partielle de son arrêt en ce qui concerne les salaires.

PAR CES MOTIFS :

La Cour de cassation casse partiellement l’arrêt attaqué en ce qu’il statue sur les salaires et rejette le pourvoi pour le surplus.