Suspension de l’exécution d’une décision administrative : Conditions d’urgence et de dommages irréparables (Cour Suprême 2003)

Réf : 15729

Identification

Réf

15729

Juridiction

Cour de cassation

Pays/Ville

Maroc/Rabat

N° de décision

823

Date de décision

13/11/2003

N° de dossier

Type de décision

Arrêt

Abstract

Base légale

Article(s) : 147 - Dahir portant loi n° 1-74-447 du 11 ramadan 1394 (28 septembre 1974) approuvant le texte du code de procédure civile (CPC)
Article(s) : 24 - Loi n° 41-90 instituant des tribunaux administratifs

Source

Revue : Précis pratique de la jurisprudence en matière administrative, tome 1 الدليل العملي للاجتهاد القضائي في المادة الادارية، الجزء الأول | Page : 318

Résumé en français

La Cour suprême a été saisie d’un pourvoi formé par l’Agent judiciaire du Royaume contre un arrêt du Tribunal administratif de Rabat ayant ordonné la suspension de l’exécution d’une décision administrative du Ministre de l’Intérieur. Cette décision portait sur un appel d’offres pour la location d’une carrière de sable, attribuée à la société RAHMID malgré son classement en troisième position.

Le requérant contestait la validité de la suspension de l’exécution de la décision, arguant du non-respect des conditions légales relatives à la démonstration de l’urgence et de l’existence de dommages irréparables.

La Cour suprême a fait droit au pourvoi, considérant que le jugement attaqué n’avait pas démontré l’existence d’une situation d’urgence justifiant la suspension de l’exécution de la décision administrative. Elle a estimé que les dommages allégués par la société RAHMID, consistant en un manque à gagner, ne constituaient pas des dommages irréparables au sens de l’article 24 de la loi n° 90-41 portant création des tribunaux administratifs.

En conséquence, la Cour suprême a cassé le jugement du Tribunal administratif et, statuant à nouveau, a rejeté la demande de suspension de l’exécution de la décision administrative. Elle a ainsi confirmé la validité de la décision du Ministre de l’Intérieur et le principe de l’exécutoire des décisions administratives malgré tout recours, sauf en cas d’urgence et de risque de dommages irréparables.

Texte intégral

قرار رقم 823 – بتاريخ 13/11/2003
باسم جلالة الملك
بتاريخ13/11/2003 ان الغرفة الإدارية بالمجلس الأعلى في جلستها العلنية أصدرت القرار الآتي نصه :
بين السيد الوكيل القضائي للمملكة بصفته هذه ونائبا عن السيد وزير الداخلية بصفته وصيا على الجماعات السلالية، والجاعل محل المخابرة معه بمكاتبه بوزارة الاقتصاد والمالية والخوصصة بالرباط.
المستانفون
وبين شركة راحميد في شخص ممثلها مقرها بالرباط
المستأنف عليها
وبعد المداولة طبقا للقانون
في الشكل:
حيث ان الاستئناف المقدم في11/8/2003 من طرف الوكيل القضائي بصفته هذه ونيابة عن وزير الداخلية بصفته وصيا على الجماعات السلالية للحكم عدد949 بتاريخ29/7/2003 الصادر عن المحكمة الإدارية بالرباط في الملف رقم
288-03، القاضي بايقاف تنفيذ القرار الإداري الصادر عن وزير الداخلية بالاعلان عن طلب عروض لكراء المقلع الرملي المعروف بالحرف (o) مقدم في الظرف والشكل المطلوبين قانونا وروعيت شروط قبوله.
في الجوهر :
حيث انه بمقال تقدمت به شركة راحميد بتاريخ29/7/2003 تطلب فيه ايقاف تنفيذ القرار الصادر عن وزير الداخلية بالاعلان عن طلب العروض لكراء المقلع الرملي المعروف بالحرف اللاتيني (o) المنشور بجريدة الاتحاد الاشتراكي عدد 7263 وتاريخ 30/6/2003 موضحة انها شاركت في طلب عروض لكراء ثلاث مقالع وكان المقلع المرموز له بحرف (o) من نصيبها رغم احتلالها الرتبة الثالثة في الترتيب بعرض مبلغ 35 درهم للمتر المكعب، بعد اقصاء كل من نور الدين.ا المحتل للصف الأول بعرض مبلغ 47,50 درهم وشركة ماكوطرداء المحتلة للصف الثاني بعرض 42,30 درهم بعلة ان الأول استفاد من مقلع حرف ((T والثانية استفادت من مقلع (F) ولا يمكنها الاستفادة من استغلال المقلع المذكور فوجئت بصور إعلان وزير الداخلية موضوع الطعن، وبعد جواب الجهة المطلوبة في الطعن صدر الحكم المستأنف.
حيث يعيب المستأنف على الحكم المستأنف تحريف الوقائع، وخرق القانون المتمثل في عدم توافر الشروط المنصوص عليها في الفصل 24 من القانون رقم 90-41 المحدث للمحاكم الإدارية والفصل147 من قانون المسطرة المدنية المتعلق بالنفاذ المعجل الذي يلزم بوجوب بيان الظروف المبررة لمنح النفاذ المعجل.
وحيث تنص المادة 24 من القانون رقم 41-90 المتعلق باحداث المحاكم الإدارية على ان للمحكمة الإدارية ان تامر بصفة استثنائية بوقف تنفيذ قرار اداري…. ويعني هذا النص ان الأصل في القرارات الإدارية وهو القابلية للتنفيذ رغم كل طعن وان الاستثناء هو الأمر بوقف تنفيذها ويجب ان يستند الأمر بذلك إلى جدية وسائل الطعن وان يكون من شان تنفيذ القرار ان تنتج عنه اضرار يتعذر تدارك عواقبها وهو ما يشكل حالة الاستعجال وفي النازلة لم يبين الحكم المستأنف بما فيه الكفاية ولا طالبة ايقاف التنفيذ ما هي الأضرار التي قد تلحقها من قرار رفض عرض تقدمت به لكراء مقلع ولا تتصور تلك الأضرار حسبما يبدو من ظاهر الوثائق الا في تفويت ارباح يمكن لمن فاتته المطالبة بها عندما تتوفر مبرراتها وان الحكم المستأنف عندما استجاب لطلب ايقاف التنفيذ دون ثبوت حالة الاستعجال كما اشير إليه لم يجعل لما قضى به أساسا من القانون.
لهذه الأسباب
قضى المجلس الأعلى بإلغاء الحكم المستأنف وتصديا برفض الطلب.
وبه صدر الحكم وتلي في الجلسة العلنية المنعقدة بالتاريخ المذكور أعلاه بقاعة الجلسات العادية بالمجلس الأعلى بالرباط وكانت الهيئة الحاكمة متركبة من رئيس الغرفة الإدارية (القسم الأول) السيد مصطفى مدرع والمستشارين السادة :   محمد بورمضان، احمد دينية – عبد الحميد سبيلا، واحميدو اكري بمحضر المحامي العام السيد عبد الجواد الرايسي وبمساعدة كاتبة الضبط السيدة حفيظة الغراس.

Version française de la décision

Au nom de Sa Majesté le Roi

Le 13 novembre 2003, la Chambre administrative de la Cour suprême, siégeant en audience publique, a rendu l’arrêt suivant :

Entre :

Monsieur l’Agent judiciaire du Royaume, en cette qualité et représentant Monsieur le Ministre de l’Intérieur, en sa qualité de tuteur des collectivités tribales, ayant élu domicile à son cabinet au Ministère de l’Économie et des Finances et de la Privatisation à Rabat.

Requérant

Et :

La société RAHMID, représentée par son représentant légal, dont le siège social est à Rabat.

Intimée

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

En la forme :

Considérant l’appel interjeté le 11 août 2003 par l’Agent judiciaire du Royaume, en cette qualité et représentant le Ministre de l’Intérieur, en sa qualité de tuteur des collectivités tribales, contre le jugement n° 949 du 29 juillet 2003 rendu par le Tribunal administratif de Rabat dans l’affaire n° 288-03, ordonnant la suspension de l’exécution de la décision administrative du Ministre de l’Intérieur relative à l’appel d’offres pour la location de la carrière de sable connue sous la lettre (O), ledit appel étant présenté dans les formes et délais légaux et remplissant les conditions de recevabilité.

Au fond :

Considérant qu’aux termes d’une requête déposée par la société RAHMID le 29 juillet 2003, celle-ci demande la suspension de l’exécution de la décision du Ministre de l’Intérieur relative à l’appel d’offres pour la location de la carrière de sable connue sous la lettre (O), publiée dans le journal « Al Ittihad Al Ichtiraki » n° 7263 du 30 juin 2003, expliquant qu’elle a participé à un appel d’offres pour la location de trois carrières et que la carrière désignée par la lettre (O) lui a été attribuée malgré son classement en troisième position avec une offre de 35 dirhams par mètre cube, après l’élimination de M. Nourreddine.R, classé premier avec une offre de 47,50 dirhams, et de la société MAKO TRADA, classée deuxième avec une offre de 42,30 dirhams, au motif que le premier avait déjà bénéficié de la carrière (T) et la seconde de la carrière (F) et qu’elles ne pouvaient donc bénéficier de l’exploitation de la carrière en question. Elle a été surprise par l’annonce du Ministre de l’Intérieur faisant l’objet du recours, et après la réponse de l’administration défenderesse, le jugement attaqué a été rendu.

Considérant que le requérant reproche au jugement attaqué d’avoir dénaturé les faits et violé la loi, en l’espèce l’absence des conditions prévues à l’article 24 de la loi n° 90-41 portant création des tribunaux administratifs et à l’article 147 du Code de procédure civile relatif au sursis à exécution, qui exige l’indication des circonstances justifiant l’octroi du sursis à exécution.

Considérant que l’article 24 de la loi n° 41-90 relative à la création des tribunaux administratifs dispose que le tribunal administratif peut, à titre exceptionnel, ordonner la suspension de l’exécution d’une décision administrative… Ce texte signifie que le principe applicable aux décisions administratives est l’exécutoire malgré tout recours et que l’exception est l’ordonnance de suspension de leur exécution. Cette ordonnance doit être fondée sur le sérieux des moyens du recours et sur le fait que l’exécution de la décision est susceptible d’entraîner des dommages dont les conséquences sont irréparables, ce qui constitue une situation d’urgence. En l’espèce, le jugement attaqué n’a pas suffisamment démontré, ni la demanderesse à la suspension de l’exécution, quels sont les dommages qui pourraient lui être causés par la décision de rejet de son offre de location d’une carrière. Ces dommages ne semblent, d’après les pièces du dossier, consister qu’en un manque à gagner que la personne qui l’a subi peut réclamer lorsqu’elle en a les justifications. Le jugement attaqué, en faisant droit à la demande de suspension de l’exécution sans qu’une situation d’urgence ne soit établie, comme il a été indiqué, n’a pas fondé sa décision sur la loi.

Par ces motifs,

La Cour suprême casse le jugement attaqué et, statuant à nouveau, rejette la demande.

Ainsi prononcé et lu en audience publique tenue à la date susmentionnée dans la salle d’audience ordinaire de la Cour suprême à Rabat, la formation de jugement étant composée du Président de la Chambre administrative (première section), Monsieur Mustapha Madra, et des conseillers : Messieurs Mohammed Bourmadan, Ahmed Dinia, Abdelhamid Sbilah et Hamidou Akri, en présence du Procureur général, Monsieur Abdeljawad Raïssi, et avec l’assistance de la Greffière, Madame Hafida El Gharass.

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