La Cour de cassation a été saisie d’un pourvoi dirigé contre un arrêt d’appel qui, confirmant un jugement de première instance, avait décliné la compétence de la juridiction pénale pour statuer sur les demandes civiles consécutives à un acquittement pour escroquerie et abus de confiance. Le litige trouvait son origine dans l’inexécution d’un protocole d’accord, la partie civile reprochant au défendeur des manœuvres dilatoires et une tentative de soustraction à ses engagements contractuels. La Cour de cassation a ainsi été appelée à se prononcer sur l’articulation entre l’action civile et l’action pénale dans le cadre de l’exécution d’un accord.

La Cour de cassation a fondé son raisonnement sur les exigences de motivation des décisions de justice, rappelant les articles 365, 370 et 534 du Code de procédure pénale, ainsi que sur le pouvoir d’appréciation des juridictions d’appel quant à la réalité des faits préjudiciables, conformément à l’article 410 du même code. Elle a estimé que la qualification juridique du protocole d’accord, examiné par la cour d’appel, était erronée. La Cour a souligné la nécessité pour les juridictions inférieures de rechercher l’existence des faits délictueux invoqués au soutien de l’action civile, en utilisant tous les moyens de preuve admissibles en matière pénale.

Arrêt de la Cour de Cassation

Vu le pourvoi en cassation formé par le demandeur au pourvoi exerçant l’action civile, « A.H. », par déclaration déposée le 15 avril 2019 par l’entremise de Maître Toutou, auprès du greffe de la cour d’appel de Casablanca, et tendant à la cassation de l’arrêt rendu le 8 avril 2019 par la chambre des délits de ladite cour dans l’affaire nº 2018/2602/4347, qui a confirmé le jugement attaqué déclarant l’incompétence pour statuer sur les demandes civiles, après l’acquittement de l’intimé au pourvoi, « S K », des délits d’escroquerie et d’abus de confiance.

La Cour de Cassation,
Après que le conseiller M. Abdellah Bentahmi a donné lecture du rapport dont il était chargé,
Et après avoir entendu le procureur général M. El Hassan Harrash dans ses conclusions,

Et délibéré conformément à la loi,

Considérant la requête de pourvoi en cassation déposé par le demandeur précité, signé par Maître Abdeljalil Toutou, avocat au barreau de Casablanca et admis à plaider devant la Cour de Cassation ;

Sur le moyen unique invoqué, tiré du défaut de base légale, du défaut de motivation, de la contradiction dans les motifs et considérations de la décision attaquée. Ce moyen est fondé sur ce que l’intimé au pourvoi, S.K., aurait trompé le requérant et tenté de se soustraire au protocole établi par le médiateur D.A. en refusant de le signer, privant ainsi le requérant des droits y figurant, après avoir obtenu une quittance totale couvrant sa période de gestion des trois sociétés Lou-1, Lou-2 et A-2, et après avoir cédé fictivement toutes ses parts dans ces sociétés et les avoir quittées afin de rompre tout lien avec sa responsabilité de gestion depuis leur création jusqu’à son bénéfice du protocole et l’obtention de la quittance. Que sa qualité de gérant est établie par sa signature sur les procès-verbaux d’assemblées, la remise au requérant d’un document de compensation d’une partie des dettes du requérant envers les sociétés et de la dette de la société Lou-2 envers le requérant en contrepartie de l’achat du titre foncier nº 01/108047. Que la quittance obtenue par l’intimé au pourvoi auprès du gérant G.R. ne lui est d’aucun effet. Que l’exécution du protocole et la réalisation de ses objectifs par l’intimé au pourvoi, même sans signature, confirment son engagement à en respecter les termes, comme en témoignent ses déclarations et les témoins entendus devant le juge d’instruction et le tribunal de première instance, qui ont prêté serment et confirmé l’engagement oral de l’intimé. Que la non-exécution dudit protocole constitue la cause principale du préjudice subi par le requérant. Que l’intimé au pourvoi a participé aux négociations, en a tiré profit, a obtenu la quittance et a évité sa responsabilité sur les biens sociaux. Que toutes les dispositions des articles 540 et 547 du Code pénal lui sont applicables, ayant exploité la bonne foi du requérant, qui a signé la quittance avant de percevoir les sommes financières ou une garantie. Dès lors, l’arrêt attaqué manque de base légale, de motivation et comporte des contradictions dans ses motifs et considérations, sans répondre aux arguments précités, ce qui le rend susceptible de cassation.

En application des articles 365, 370 et 534 du Code de procédure pénale, lesquels exigent que tout jugement ou arrêt soit motivé en fait et en droit, sous peine de nullité, et que l’insuffisance ou le vice de motivation équivaut à un défaut de motivation justifiant la cassation et l’annulation. Selon l’article 410 du même Code, la partie civile peut, par voie d’appel, permettre au tribunal d’apprécier la réalité des faits causant le préjudice.

Attendu que la cour dont l’arrêt est attaqué a confirmé le jugement en sa partie civile, déclarant son incompétence sur les demandes civiles après l’acquittement de l’intimé S.K. des délits d’escroquerie et d’abus de confiance, en reprenant les motifs tirés des éléments de l’action publique, résumés au déni des accusations par l’intimé et à l’absence de preuve, par l’expertise comptographique du dossier, de son appropriation d’argent ou de biens appartenant aux sociétés liées au demandeur. Que le refus de l’intimé S.K. d’exécuter ses engagements ne relève pas des articles 540 et 547 du Code pénal, mais renvoie à un litige civil pur relevant de l’exécution des obligations contractuelles prévues par le Code des obligations et des contrats, devant être résolu selon ses règles. Or, le protocole d’accord conclu avec l’aide du médiateur A.D. devait être examiné comme un fait matériel et non comme un acte juridique. Dès lors, il incombait à la cour de vérifier si les actes délictueux reprochés à l’intimé, fondant la demande d’indemnisation, étaient établis en tant que faits matériels au sens de l’article 410 du Code de procédure pénale, permettant au juge pénal d’apprécier librement la réalité des faits causant le préjudice, par témoignages, présomptions et tout moyen de preuve. Il était inutile d’examiner la responsabilité de l’intimé liée à sa gestion des sociétés avant l’accord. Dès lors, l’arrêt attaqué, rendu dans ces conditions, manque de base légale et présente une insuffisance de motivation équivalant à son absence, le rendant ainsi cassable.

Par ces motifs,
La Cour :

Casse et annule l’arrêt attaqué rendu le 8 avril 2019 par la chambre pénale de la cour d’appel de Casablanca dans l’affaire nº 2018/2602/4347, en ses dispositions civiles ;

Renvoie l’affaire devant la même cour, composée d’une autre formation, pour statuer à nouveau conformément à la loi ; Ordonne la restitution du dépôt au demandeur au pourvoi ; Met les frais à la charge de l’intimé S.K., à recouvrer selon les règles applicables aux perceptions des frais de justice pénale, avec fixation de la durée de la contrainte par corps à son minimum légal ; Dispense de la perception des frais.

Ordonne en outre l’inscription du présent arrêt dans les registres de ladite cour à la suite de l’arrêt attaqué ou en marge de celui-ci.