La Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d’appel de commerce de Casablanca ayant infirmé un jugement du Tribunal de commerce qui avait retenu l’existence d’un acte de concurrence déloyale résultant de l’utilisation par une société d’une dénomination commerciale partiellement similaire à celle enregistrée par la société demanderesse.

En l’espèce, la société demanderesse au pourvoi reprochait à la défenderesse d’utiliser une dénomination commerciale constituée de l’ajout d’une lettre à son propre nom commercial abrégé, enregistré au registre de commerce, ce qui, selon elle, induisait le public en erreur et constituait un acte de concurrence déloyale. Le Tribunal de commerce avait accueilli cette demande en raison de la similarité des noms commerciaux litigieux.

Cependant, la Cour d’appel a infirmé ce jugement, considérant que, malgré une similitude partielle entre les dénominations utilisées par les deux sociétés, l’absence de confusion dans l’esprit du public résultait suffisamment de la différence substantielle dans leurs activités commerciales respectives : la société demanderesse exerçant dans le secteur du transport et de la logistique, tandis que la société défenderesse intervenait dans le domaine du conseil et de l’orientation.

La Cour de cassation rappelle ainsi que l’appréciation de l’existence d’une concurrence déloyale relève du pouvoir souverain des juges du fond, et se limite à vérifier la pertinence et la cohérence de la motivation adoptée. Elle constate qu’en l’espèce, la Cour d’appel a valablement appliqué l’article 179 de la loi n°17-97 relative à la protection de la propriété industrielle, selon lequel l’utilisation d’une dénomination commerciale par un tiers n’est illicite que lorsqu’elle crée un risque réel de confusion dans l’esprit du public. Dès lors, le pourvoi est rejeté, la décision attaquée étant suffisamment motivée et exempte de toute erreur de droit.

Cour de cassation

Sur le moyen unique :

Attendu que la demanderesse au pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué de violer les dispositions des articles 179 et 184 de la loi n°17-97 relative à la protection de la propriété industrielle, ainsi que l’article 84 du Code des obligations et des contrats, de manquer de base légale, d’être insuffisamment motivé, de dénaturer les faits et de ne pas répondre aux conclusions ;

Attendu qu’à l’appui de ce moyen, la demanderesse expose que l’arrêt énonce : « si l’appelante (la défenderesse au pourvoi) utilise bien le nom « (T) (S) » comme nom commercial, similaire à celui de l’intimée « (T) », la première exerce néanmoins une activité de conseil et d’orientation, alors que la seconde œuvre dans le secteur du transport, excluant ainsi tout risque de confusion dans l’esprit du public » ; que cependant, aux termes des articles 70 du Code de commerce, 184 de la loi n°17-97 et 84 du Code des obligations et des contrats, l’usage du nom commercial enregistré au registre du commerce est protégé par la loi, et constitue un acte de concurrence déloyale dès lors qu’un tiers utilise ce nom sans autorisation préalable, et cela même en l’absence de risque de confusion pour le public ; que le seul usage d’un nom commercial identique ou similaire suffit à caractériser la concurrence déloyale dès lors qu’il est de nature à induire le public en erreur sur l’identité de l’entreprise ou l’origine des produits ou services ; que la Cour d’appel, en conditionnant la concurrence déloyale à l’exercice d’une activité identique, a confondu le régime juridique de la marque commerciale, nécessitant effectivement une similarité d’activité, avec celui du nom commercial qui ne requiert pas une telle condition ;

Qu’elle ajoute avoir expressément démontré que la défenderesse exerçait également une activité de transport et de logistique, ainsi qu’il résulte clairement du modèle n°7 de son registre du commerce, où il est mentionné qu’elle est spécialisée dans la conception de solutions logistiques durables, la notion de logistique incluant précisément les activités relatives au transport de biens et services ; que de même, un certificat négatif émanant de l’OMPIC et une annonce légale publiée à l’occasion de sa constitution indiquent que ses activités ne se limitent pas au conseil mais s’étendent également à des prestations dans le domaine logistique ; qu’en outre, la défenderesse avait déjà reconnu dans une procédure antérieure qu’elle réalisait toutes opérations commerciales, y compris en matière de transport ; que la Cour d’appel, en retenant une différence d’activité entre les sociétés litigantes, a insuffisamment motivé son arrêt, justifiant sa cassation ;

Mais attendu que la qualification juridique des faits invoqués au titre de la concurrence déloyale relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond, dont l’exercice n’est pas soumis au contrôle de la Cour de cassation, dès lors que leur décision repose sur une motivation adéquate et cohérente ;

Que la Cour d’appel, saisie par la demanderesse d’une prétendue concurrence déloyale découlant de l’usage par la défenderesse d’un nom commercial similaire « (T) (S) », a exactement retenu, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, que si une ressemblance partielle existait entre la dénomination sociale abrégée de la demanderesse « (T) » et celle de la défenderesse « (T) (S) », celle-ci n’était toutefois pas de nature à engendrer un risque de confusion dans l’esprit du public, compte tenu de la différence notable d’activités, la demanderesse exerçant exclusivement dans le secteur du transport et de la logistique, tandis que la défenderesse intervenait uniquement dans le conseil et l’orientation ;

Qu’elle a souverainement estimé que les documents invoqués par la demanderesse ne démontraient pas effectivement une activité concurrente dans le secteur du transport mais se bornaient à des déclarations générales insuffisantes pour caractériser une réelle confusion dans l’esprit du public ; qu’en statuant ainsi, la Cour d’appel a fait une exacte application des dispositions de l’article 179 de la loi n°17-97, qui accorde au nom commercial une protection contre toute utilisation postérieure susceptible de créer une confusion dans l’esprit du public, sans méconnaître la distinction légale entre nom commercial et marque commerciale ni dénaturer les faits soumis à son examen ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Par ces motifs :

Rejette le pourvoi formé par la demanderesse et laisse à sa charge les dépens