Nom commercial et concurrence déloyale : Protection sans condition d’enregistrement ou d’usage préalable (Cass. com. 2019)

Réf : 33973

Identification

Réf

33973

Juridiction

Cour de cassation

Pays/Ville

Maroc/Rabat

N° de décision

407

Date de décision

05/09/2019

N° de dossier

2018/1/3/1215

Type de décision

Arrêt

Chambre

Commerciale

Abstract

Base légale

Article(s) : 179 - Loi n° 17-97 relative à la protection de la propriété Industrielle
Article(s) : 8 - Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883

Source

Revue : Revue de la cour de cassation | N° : 88 | Page : 105

Résumé en français

Le nom commercial appartenant à une société étrangère est protégé au Maroc en vertu de l’article 8 de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle et de l’article 179 de la loi n° 17-97 relative à la protection de la propriété industrielle. Cette protection est acquise indépendamment de tout dépôt, enregistrement ou usage préalable dudit nom sur le territoire national.

Viole, par conséquent, ces dispositions la cour d’appel qui subordonne la protection d’un nom commercial étranger à une condition d’usage effectif au Maroc. En l’espèce, la cour d’appel avait rejeté l’action en radiation de l’inscription postérieure, par une société marocaine, d’un nom commercial identique à celui utilisé par une société étrangère, au motif que cette dernière n’en faisait pas un usage effectif au Maroc, écartant ainsi le risque de confusion malgré l’identité d’activité des deux entités.

En ajoutant une condition d’usage non prévue par les textes précités pour conférer la protection légale et conventionnelle, la cour d’appel a méconnu le principe selon lequel le nom commercial est protégé contre tout usage postérieur susceptible de créer une confusion dans l’esprit du public, sans exigence d’exploitation antérieure sur le territoire.

L’arrêt d’appel encourt donc la cassation pour violation de la loi.

Texte intégral

باسم جلالة الملك وطبقا للقانون
حيث يستفاد من مستندات الملف والقرار المطعون فيه أن الطالبة شركة (…) تقدمت بمقال إلى المحكمة التجارية بالدار البيضاء، عرضت فيه أنها متخصصة في إنتاج وتوزيع المنتجات المتعلقة بالطلاء العازل للمياه ومواد البناء والخرسانة وغيرها، وتستعمل اسمها التجاري « … »، المسجل بالسجل التجاري بالدمام بالمملكة العربية السعودية في 1984/09/17 ، غير أنها فوجئت بقيام المطلوبة شركة (…) بتسجيل نفس الاسم بالسجل التجاري بالمغرب في 2009/09/03. ملتمسة القول بأن ما قامت به المدعى عليها يشكل منافسة غير مشروعة، والحكم تبعا لذلك بالتشطيب على اسمها من سجلها التجاري، وأمر رئيس مصلحة السجل التجاري بتقييد هذا التشطيب ونشر الحكم في جريدتين، وحفظ حقها في المطالبة بالتعويض عما لحقها من ضرر. فصدر الحكم بالتشطيب على الاسم التجاري (…)، المقيد في اسم المدعى عليها بالسجل التجاري بالدار البيضاء في 2009/09/03، والإذن لرئيس السجل التجاري بتقييد هذا التشطيب ونشر الحكم في جريدتين ألغته محكمة الاستئناف التجارية، وحكمت من جديد برفض الطلب بقرارها المطعون فيه بالنقض.

التسجيل طبقا للمادة الثامنة من اتفاقية باريس، على خلاف التسمية التي يشترط فيها التسجيل، وسواء كانت (…) تسمية تجارية أو اسما تجاريا، فإن الحق الذي يكتسبه التاجر على التسمية التجارية أو الاسم التجاري شأنها في ذلك شأن باقي حقوق الملكية الصناعية، هي حقوق إقليمية ووطنية، بمعنى أنه لا يمكن أن تتعدى إقليم الدولة الذي سجلت فيه بالنسبة للتسمية التجارية أو استعملت فيه بالنسبة للاسم التجاري »، والحال أن المادة الثامنة من اتفاقية باريس تنص على أنه يحمى الاسم التجاري في جميع دول الإتحاد دون الالتزام بإيداعه أو تسجيله، سواء أكان جزء من علامة صناعية أو تجارية أم لم يكن »، كما تنص المادة 179 من القانون رقم 17-97، على أنه تضمن للاسم التجاري سواء أكان جزء من علامة أو لا، الحماية المقررة في القانون رقم 15-95 المتعلق بمدونة التجارة من أي استعمال لاحق للاسم التجاري سواء في شكل اسم تجاري أو علامة صنع أو تجارة أو خدمة إذا كان في ذلك ما يحدث التباسا في ذهن الجمهور »، وهي المقتضيات التي ليس فيها ما يحمل على القول على أنه يشترط لحماية الاسم التجاري استغلاله أو استعماله أو تسجيله بالسجل التجاري وللإشارة فإن الطالبة تشتغل في مواد الخرسانة وما يرتبط بها، وهو نفس نشاط المطلوبة، مما من شأنه خلق اللبس في ذهن الجمهور، كما أنها سجلت اسمها بالسجل التجاري بالدمام منذ 1984، بينما لم تقم المطلوبة بتسجيله بالسجل التجاري بالمغرب إلا في 2009. والمحكمة بعدم مراعاتها لما ذكر يتعين التصريح بنقض قرارها.

حيث تمسكت الطالبة بأحكام المادة الثامنة من اتفاقية باريس، التي لا تشترط لإضفاء الحماية على الاسم التجاري تسجيله، كما تمسكت بعدم اشتراط الاستعمال للاستفادة من الحماية المذكورة، غير أن المحكمة ردت ما أثير بهذا الخصوص بقولها « إن الاسم التجاري LE NOM COMMERCIAL، يلعب دورا في التعريف بالمؤسسية أوى المقاولة التجارية، وتمييزها عن باقي المؤسسات المنافسة، وهو عنصر جذب لدى كه علاج المهور، ويدخل ضمن عناصر الأصل التجاري القابلة للتفويت، كما تضفى عليه الحماية المنصوص عليها في المادة 179 من القانون رقم 17-97 بالاستعمال ودون اشتراط التسجيل طبقا للمادة الثامنة من اتفاقية باريس، على خلاف التسمية التي يشترط فيها التسجيل، وسواء كانت (…) تسمية تجارية أو اسما تجاريا، فإن الحق الذي يكتسبه التاجر على التسمية التجارية أو الاسم التجاري شأنها في ذلك شأن باقي حقوق الملكية الصناعية هي حقوق إقليمية ووطنية، بمعنى أنه لا يمكن أن تتعدى إقليم الدولة الذي سجلت فيه بالنسبة للتسمية التجارية، أو استعملت فيه بالنسبة للاسم التجاري »، في حين تنص المادة الثامنة من اتفاقية باريس، على أنه » يحمى الاسم التجاري في جميع دول الإتحاد دون الالتزام بإيداعه أو تسجيله، سواء أكان جزء من علامة صناعية أو تجارية أم لم يكن »، والمحكمة بعدم مراعاتها للمقتضى المذكور وبعدم بيانها من أين استقت شرط الاستعمال للاسم التجاري من أجل شموله بالحماية تكون قد جعلت قرارها غير منعدم الأساس، عرضة للنقض.

لهذه الأسباب
قضت محكمة النقض بنقض القرار المطعون فيه.

Version française de la décision

Au nom de Sa Majesté le Roi et conformément à la loi,

Attendu, selon les documents du dossier et l’arrêt attaqué, que la demanderesse, la société (…), a introduit une requête devant le Tribunal de Commerce de Casablanca, exposant qu’elle est spécialisée dans la production et la distribution de produits relatifs à la peinture isolante pour l’eau, aux matériaux de construction, au béton et autres, et qu’elle utilise sa dénomination commerciale « … », enregistrée au registre du commerce de Dammam au Royaume d’Arabie Saoudite le 17 septembre 1984 ; qu’elle a été surprise par l’enregistrement de la même dénomination par la défenderesse, la société (…), au registre du commerce du Maroc le 3 septembre 2009 ; sollicitant de dire que l’acte de la défenderesse constitue une concurrence déloyale et, en conséquence, d’ordonner la radiation de sa dénomination de son registre du commerce, d’ordonner au chef du service du registre du commerce de procéder à cette radiation et de publier le jugement dans deux journaux, et de réserver son droit de demander réparation du préjudice subi. Le tribunal a rendu un jugement ordonnant la radiation de la dénomination commerciale (…) enregistrée au nom de la défenderesse au registre du commerce de Casablanca le 3 septembre 2009, et autorisant le chef du registre du commerce à procéder à cette radiation et à publier le jugement dans deux journaux, jugement qui a été annulé par la Cour d’Appel de Commerce, laquelle, statuant à nouveau, a rejeté la demande par son arrêt attaqué devant la Cour de Cassation.

Attendu que la demanderesse s’est fondée sur les dispositions de l’article 8 de la Convention de Paris, qui ne subordonne pas la protection de la dénomination commerciale à son enregistrement, et a également soutenu que l’usage n’est pas une condition pour bénéficier de ladite protection ; cependant, la cour a rejeté ce moyen en affirmant que « la dénomination commerciale joue un rôle dans l’identification de l’institution ou de l’entreprise commerciale, la distinguant des autres entreprises concurrentes, constituant un élément d’attraction de la clientèle, et entrant dans les éléments du fonds de commerce cessibles ; qu’elle bénéficie de la protection prévue à l’article 179 de la loi n° 17-97 par l’usage et sans condition d’enregistrement conformément à l’article 8 de la Convention de Paris, contrairement à la marque qui requiert l’enregistrement ; et que, qu’il s’agisse d’une dénomination commerciale ou d’un nom commercial, le droit acquis par le commerçant sur la dénomination commerciale ou le nom commercial, à l’instar des autres droits de propriété industrielle, est un droit territorial et national, en ce sens qu’il ne peut excéder le territoire de l’État dans lequel il a été enregistré pour la dénomination commerciale ou utilisé pour le nom commercial » ; alors que l’article 8 de la Convention de Paris dispose que « le nom commercial sera protégé dans tous les pays de l’Union sans obligation de dépôt ou d’enregistrement, qu’il fasse ou non partie d’une marque de fabrique ou de commerce » ; de même, l’article 179 de la loi n° 17-97 dispose que « le nom commercial, qu’il fasse ou non partie d’une marque, est protégé conformément aux dispositions de la loi n° 15-95 formant code de commerce contre tout usage ultérieur du nom commercial, soit comme nom commercial, soit comme marque de fabrique, de commerce ou de service, lorsque cet usage est de nature à créer une confusion dans l’esprit du public » ; dispositions qui ne contiennent aucune indication selon laquelle la protection du nom commercial serait subordonnée à son exploitation, son usage ou son enregistrement au registre du commerce ; et il est à noter que la demanderesse exerce une activité dans le domaine des matériaux de construction et des produits connexes, qui est la même que celle de la défenderesse, ce qui est de nature à créer une confusion dans l’esprit du public ; de plus, elle a enregistré sa dénomination au registre du commerce de Dammam depuis 1984, tandis que la défenderesse ne l’a enregistrée au registre du commerce du Maroc qu’en 2009. En ne tenant pas compte de ce qui précède, l’arrêt de la cour mérite d’être cassé.   

Attendu que la demanderesse s’est prévalue des dispositions de l’article 8 de la Convention de Paris, qui ne subordonne pas l’octroi de la protection à l’enregistrement de la dénomination commerciale, et a également soutenu que l’usage n’est pas une condition pour bénéficier de ladite protection ; cependant, la cour a rejeté les arguments soulevés à cet égard en affirmant que « le nom commercial joue un rôle dans l’identification de l’institution ou de l’entreprise commerciale, la distinguant des autres entreprises concurrentes, constituant un élément d’attraction de la clientèle, et entrant dans les éléments du fonds de commerce cessibles ; qu’il bénéficie de la protection prévue à l’article 179 de la loi n° 17-97 par l’usage et sans condition d’enregistrement conformément à l’article 8 de la Convention de Paris, contrairement à la marque qui requiert l’enregistrement ; et que, qu’il s’agisse d’une dénomination commerciale ou d’un nom commercial, le droit acquis par le commerçant sur la dénomination commerciale ou le nom commercial, à l’instar des autres droits de propriété industrielle, est un droit territorial et national, en ce sens qu’il ne peut excéder le territoire de l’État dans lequel il a été enregistré pour la dénomination commerciale ou utilisé pour le nom commercial » ; alors que l’article 8 de la Convention de Paris dispose que « le nom commercial sera protégé dans tous les pays de l’Union sans obligation de dépôt ou d’enregistrement, qu’il fasse ou non partie d’une marque de fabrique ou de commerce » ; et la cour, en ne tenant pas compte de la disposition susmentionnée et en ne précisant pas d’où elle tire la condition d’usage du nom commercial pour qu’il bénéficie de la protection, a rendu sa décision dépourvue de base légale, et donc susceptible de cassation.   

Pour ces motifs,

La Cour de Cassation casse l’arrêt attaqué.

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