Restitution d’honoraires d’arbitrage : Cassation motivée par l’omission de statuer sur la confidentialité des délibérations (Cass. civ. 2017)

Réf : 33524

Identification

Réf

33524

Juridiction

Cour de cassation

Pays/Ville

Maroc/Rabat

N° de décision

141/2

Date de décision

28/02/2017

N° de dossier

2014/2/1/5758

Type de décision

Arrêt

Chambre

Civile

Abstract

Base légale

Article(s) : 345 - Dahir portant loi n° 1-74-447 du 11 ramadan 1394 (28 septembre 1974) approuvant le texte du code de procédure civile

Résumé en français

La Cour de cassation a été saisie d’un pourvoi relatif à un litige portant sur une procédure d’arbitrage, centré sur le respect des délais et des obligations incombant aux arbitres. En l’espèce, le différend concerne une demande de restitution des honoraires versés à un arbitre, au motif que celui-ci n’aurait pas rendu son avis dans le délai imparti.

Le demandeur au pourvoi contestait l’arrêt d’appel, arguant d’un défaut de motivation. Il reprochait à la juridiction d’appel de ne pas avoir répondu à son argument selon lequel son refus de communiquer son avis était justifié par la confidentialité des délibérations arbitrales et la poursuite de la procédure d’arbitrage, un arbitre tiers ayant été désigné.

La Cour de cassation a accueilli ces arguments, estimant que la juridiction d’appel avait manqué à son obligation de motivation. Outre l’argument relatif au respect des délais d’arbitrage et aux obligations des arbitres, la Cour d’appel avait omis de répondre à un argument pertinent soulevé par le demandeur, relatif à la confidentialité des délibérations. La Cour de cassation a considéré que cette omission constituait un défaut de motivation, en violation de l’article 345 du Code de procédure civile, qui dispose que toute décision de justice doit être suffisamment motivée, le défaut de motivation équivalant à son absence.

Par conséquent, la Cour de cassation a prononcé la cassation de l’arrêt, ordonnant le renvoi de l’affaire devant une cour d’appel autrement composée.

Texte intégral

و بعد المداولة طبقا للقانون

بناء على الفصل 345 من ق م م وبمقتضاه يجب أن يكون كل قرار معللا تعليلا كافيا وسليما وأن نقصان التعليل ينزل منزلة انعدامه.
حيث يستفاد من وثائق الملف ومن القرار المطعون فيه الصادر عن محكمة الاستئناف بالدار البيضاء بتاريخ 2014/7/14 تحت عدد 5800 في الملف المدني عدد 2014/1/497 أن المطلوبة في النقض شركة (ع) ادعت بمقال افتتاحي لدى ابتدائية الدار البيضاء بتاريخ 2013/5/31 أن نزاعا نشأ بينها وبين شركة (م) بخصوص عقد مقاولة ، وأن النزاع عرض على التحكيم طبقا للمادة 18 من العقد الرابط بين الطرفين حيث عين كل طرف محكما من جانبه ، فعين المحكم طارق (م) من ناحية ، والمدعى عليه المحكم محمد (ل) من ناحية أخرى ، كمحكمين لهذا النزاع ، وأن أجل التحكيم قد انتهى بتاريخ 2013/3/30 وقد تعذر على المحكمين الاتفاق على رأي موحد مما أدى إلى استفراد كل منهما بموقفه ، وأنه على إثر انتهاء أجل التحكيم وجهت للمحكمين عدة مراسلات طالبة منهما تمكينها من الرأي المعلل لكل محكم طبقا لمقتضيات الفصل 315 من ق م م أو على الأقل من منطوق هذا الرأي، وأنه على إثر الإنذارين اللذين بلغتهما للمحكمين بتاريخ 2013/5/02 ، وبعد انصرام الأجل المضروب للمحكمين وكذلك لأجل التحكيم، توصلت بمنطوق المحكم طارق (م) بتاريخ 2013/5/07 ، في حين رفض المدعى عليه صراحة بتاريخ 2013/5/06 تسليم منطوق رأيه ، فأنذرته – بناء على ذلك – من أجل إرجاع المبالغ التي سبق له التوصل بها من قبيل الأتعاب مع تعويضها عن الضرر اللاحق بها ، إلا أن المدعى عليه لم يستجب مؤكدا موقفه الرافض لتنفيذ التزاماته ، وأن الثابت قانونا أن العلاقة القانونية التي تجمع بين أطراف النزاع والمحكمين هي علاقة عقدية يلتزم في إطارها المحكمون بالبت في النزاع وإبداء آرائهم داخل أجل التحكيم تحت طائلة اعتبار المحكمين مخلين بتنفيذ التزاماتهم وبشكل يجعلهم غير مستحقين لأتعاب التحكيم وملزمين بجبر الضرر الذي تعرض له أطراف النزاع من جراء الإخلال المذكور ، وأنه أمام رفض المدعى عليه تنفيذ التزاماته المتمثلة في رفضه تسليم رأيه أو منطوقه داخل أجل التحكيم بل وداخل الأجل المضروب له في الإنذار ، يكون قد تخلف عن تنفيذ التزاماته الناشئة عن مهمة التحكيم المسندة إليه والمتمثلة في إصدار رأي معلل وتبليغه لها داخل الأجل . والتمست الحكم على المدعى عليه بإرجاعه لها مبلغ 407792,16 درهما الذي يمثل أتعاب التحكيم المؤداة مع الفوائد القانونية من تاريخ 2013/3/31 ، فصدر حكم ابتدائي بتاريخ 2013/7/17 تحت عدد 2860 في الملف المدني عدد 2013/2/2077 قضى برفض الطلب ، استأنفته المدعية فقضت محكمة الاستئناف بإلغاء الحكم المستأنف ، والحكم تصديا على المستأنف عليه بإرجاعه للمستأنفة مبلغ 407792,16 درهما مع الفوائد القانونية ، وهو القرار المطعون فيه بالنقض من طرف المحكوم عليه .

في شأن الوسيلة الثالثة
حيث ينعى الطاعن على القرار انعدام التعليل ، ذلك أن إجراءات التحكيم انتهت بتعيين رئيس المحكمة للمحكم الترجيحي الذي أصدر حكمه التحكيمي الترجيحي، والملف معروض على المحكمة في إطار التذييل بالصيغة التنفيذية ، مما سيؤثر على سلامة الدعوى المعروضة بمقتضى القرار المطعون فيه ، والطاعن تمسك بأن إمساكه عن تمكين المطلوبة في التحكيم ، هو امتداد القاعدة سرية المداولات لأن مسطرة التحكيم ممتدة إلى حين صدور الحكم التحكيمي الترجيحي ، كما تمسك بتحرير محضر عدم الاتفاق على حكم تحكيمي موحد في 2013/3/29 ، وجاهزية رأيه التحكيمي بنفس التاريخ ، وهو الذي مكنه للمحكم المرجح ، إلا أن المحكمة لم تجب على الدفع .

حقا ، حيث إن الطاعن أثار ضمن جوابه المدلى به بجلسة 2014/5/12 كون رأيه كان جاهزا بتاريخ 2013/3/29 حسب المحضر المؤرخ في نفس التاريخ والذي اتفق فيه مع المحكم الآخر على اختلاف رأيهما وتم إيداع كل محكم لرأيه المستقل بكتابة الضبط ، ثم تقرر اللجوء إلى محكم ثالث خلص إلى مقرر تحكيمي ، وهو الآن في انتظار تذييله بالصيغة التنفيذية ، إلا أن المحكمة لم تورد أي رد على ذلك بالرغم مما له من تأثير على قضائها مما كان معه القرار ناقص التعليل وعرضة للنقض .

لأجله

قضت محكمة النقض بنقض القرار المطعون فيه وإحالة القضية على نفس المحكمة للبت فيها من جديد بهيئة أخرى طبقا للقانون وتحميل المطلوبة الصائر.
كما قررت إثبات قرارها هذا بسجلات المحكمة المصدرة له ، إثر الحكم المطعون فيه.

Version française de la décision

Attendu que, en vertu de l’article 345 du Code de procédure civile, toute décision juridictionnelle doit être suffisamment et adéquatement motivée, et que l’insuffisance de motivation équivaut à une absence de motivation.

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier et de l’arrêt attaqué, rendu par la Cour d’appel de Casablanca le 14 juillet 2014 sous le numéro 5800 dans le dossier civil numéro 497/1/2014, que la société (A), demanderesse au pourvoi, a introduit une requête introductive d’instance devant le Tribunal de Première Instance de Casablanca le 31 mai 2013, alléguant qu’un différend est né entre elle et la société (M), concernant un contrat d’entreprise. Ce différend a été soumis à l’arbitrage conformément à la clause compromissoire stipulée à l’article 18 du contrat liant les parties, chaque partie ayant désigné son propre arbitre. Ainsi, Monsieur Tarek (M) a été désigné en qualité d’arbitre par la première partie, et Monsieur Mohamed (L) en qualité d’arbitre par la seconde partie. Le délai d’arbitrage a expiré le 30 mars 2013, et les arbitres n’ont pas pu parvenir à un accord unanime, ce qui a conduit chacun d’eux à maintenir sa propre position. Suite à l’expiration du délai d’arbitrage, plusieurs correspondances ont été adressées aux arbitres, leur demandant de fournir un avis motivé individuel, conformément aux dispositions de l’article 315 du Code de procédure civile, ou, à défaut, le dispositif de leur sentence arbitrale respective. Suite aux deux significations de mises en demeure adressées aux arbitres le 2 mai 2013, et après l’expiration du délai imparti aux arbitres et du délai d’arbitrage, le dispositif de l’avis de l’arbitre Tarek (M) a été reçu le 7 mai 2013. Cependant, le défendeur a expressément refusé le 6 mai 2013 de communiquer le dispositif de son avis. En conséquence, une mise en demeure lui a été adressée afin qu’il procède à la restitution des sommes qu’il avait perçues à titre d’honoraires et qu’il répare le préjudice subi. Toutefois, le défendeur n’a pas déféré, maintenant sa position de refus d’exécuter ses obligations. Il est de principe juridique que la relation juridique entre les parties au litige et les arbitres est de nature contractuelle, dans le cadre de laquelle les arbitres sont tenus de statuer sur le différend et de rendre leurs avis dans le délai d’arbitrage, sous peine d’être considérés comme ayant manqué à l’exécution de leurs obligations contractuelles, les rendant ainsi non éligibles aux honoraires d’arbitrage et les obligeant à réparer le préjudice subi par les parties au litige en raison de ce manquement. Compte tenu du refus du défendeur d’exécuter ses obligations contractuelles, à savoir le refus de communiquer son avis ou son dispositif dans le délai d’arbitrage et dans le délai qui lui a été imparti dans la mise en demeure, il a manqué à l’exécution de ses obligations découlant de la mission d’arbitrage qui lui a été confiée, consistant à rendre un avis motivé et à le notifier dans les délais impartis. La demanderesse a sollicité la condamnation du défendeur à lui restituer la somme de quatre cent sept mille sept cent quatre-vingt-douze dirhams et seize centimes (407.792,16 DH), représentant les honoraires d’arbitrage versés, majorée des intérêts légaux à compter du 31 mars 2013. Un jugement de première instance a été rendu le 17 juillet 2013 sous le numéro 2860 dans le dossier civil numéro 2077/2/2013, rejetant la demande. La demanderesse a interjeté appel, et la Cour d’appel a infirmé le jugement de première instance, statuant à nouveau et condamnant l’intimé à restituer à l’appelante la somme de quatre cent sept mille sept cent quatre-vingt-douze dirhams et seize centimes (407.792,16 DH), majorée des intérêts légaux. C’est cet arrêt qui fait l’objet du pourvoi en cassation de la part du condamné.

Sur le troisième moyen de cassation :

Attendu que le demandeur au pourvoi reproche à l’arrêt attaqué l’absence de motivation, arguant que la procédure d’arbitrage s’est achevée par la désignation par le Président du Tribunal d’un arbitre tiers qui a rendu une sentence arbitrale tierce. Le dossier est actuellement pendant devant la juridiction compétente dans le cadre de la procédure d’exequatur, ce qui affectera la validité de l’action en justice introduite en vertu de l’arrêt attaqué. Le demandeur au pourvoi a soutenu que sa rétention de la communication de l’avis à la demanderesse en arbitrage était une extension du principe de la confidentialité des délibérations, la procédure d’arbitrage se poursuivant jusqu’à la prononciation de la sentence arbitrale tierce. Il a également fait valoir qu’un procès-verbal de désaccord sur une sentence arbitrale unifiée avait été établi le 29 mars 2013, et que son avis arbitral était prêt à cette même date, et qu’il l’avait remis à l’arbitre tiers. Toutefois, la Cour d’appel n’a pas statué sur cette exception.

Attendu que le demandeur au pourvoi a soulevé, dans son mémoire en réplique présenté à l’audience du 12 mai 2014, que son avis était prêt le 29 mars 2013, comme indiqué dans le procès-verbal daté du même jour, dans lequel il avait constaté avec l’autre arbitre leurs divergences d’opinions, et que chaque arbitre avait déposé son avis indépendant au greffe. Il a été décidé de recourir à un troisième arbitre, qui a rendu une sentence arbitrale, et cette dernière est actuellement en attente d’exequatur. Cependant, la Cour d’appel n’a pas répondu à ces moyens, bien qu’ils aient une incidence sur sa décision, ce qui rend l’arrêt insuffisamment motivé et susceptible de cassation.

Par ces motifs :

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt attaqué et renvoie l’affaire devant la même Cour d’appel pour qu’elle soit rejugée par une autre formation conformément à la loi, et condamne la demanderesse aux dépens.

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