Concernant le premier moyen, première branche :
Attendu que la requérante reproche à la décision une violation d’une règle de procédure ayant porté atteinte à ses intérêts, en raison de la violation de l’article 110 du Code de procédure civile, au motif que la cour ayant rendu la décision a statué sur deux appels principaux distincts, le premier interjeté par les intimées et le second par la requérante, sans préciser dans les énonciations de sa décision si elle a ordonné la jonction d’office ou à la demande d’une des parties. De plus, ladite décision aurait dû être prise par la formation collégiale après délibération. L’absence de ces précisions rend la décision contraire à l’article susmentionné, ce qui justifierait sa cassation.
Cependant, attendu que les irrégularités de procédure ne constituent un motif de cassation que s’il est établi qu’elles ont causé un préjudice à celui qui invoque leur violation. En l’espèce, la requérante n’a pas démontré le préjudice qu’elle a subi du fait de l’absence de mention indiquant si la jonction a été ordonnée d’office ou à la demande. Par conséquent, cette branche du moyen est irrecevable.
Concernant le premier moyen, deuxième branche :
Attendu que la requérante reproche à la décision une violation d’une règle de procédure ayant porté atteinte à ses intérêts, en raison de la violation de l’article 9 du Code de procédure civile, au motif que la demande d’apposition de la formule exécutoire sur une sentence arbitrale implique en elle-même un contrôle de la conformité de cette sentence à l’ordre public. La requérante a fait valoir, tant en première instance qu’en appel, la contrariété de la sentence à l’ordre public. Dans ces conditions, le litige relève des cas prévus à l’article susmentionné, qui imposent la communication du dossier au Ministère public avant de statuer au fond, sous peine de nullité de la décision. En omettant de procéder à cette communication, la cour a porté atteinte aux intérêts de la requérante, car le Ministère public est le premier défenseur de l’ordre public. La cassation de la décision attaquée s’impose.
Cependant, attendu que l’arbitrage en cause est un arbitrage international, régi par les dispositions de l’article 327-50 du Code de procédure civile, dont le dernier alinéa précise que « la cour d’appel statue selon la procédure d’urgence ». Or, les procédures d’urgence, telles qu’elles sont prévues à l’article 148 et suivants du Code de procédure civile (Livre IV du C.P.C.), ne comprennent aucune disposition imposant la communication du dossier au Ministère public. Par conséquent, l’article 9 du même code n’était pas applicable. La décision n’a donc pas violé l’article 4 du Code de procédure civile et cette branche du moyen est mal fondée.
Concernant le premier moyen, troisième et quatrième branches :
Attendu que la requérante reproche à la décision une violation d’une règle de procédure ayant porté atteinte à ses intérêts, en raison de la violation des articles 3 et 327-39 du Code de procédure civile, de la Convention de Vienne et de la Constitution du Royaume, au motif que la cour a considéré qu’« il est incontestable qu’il s’agit d’une sentence arbitrale internationale et de son exequatur, ce qui rend l’article 327-46 du Code de procédure civile applicable… ». Or, ce sont les articles 4 et 5 de la Convention de New York, qui définissent les documents et procédures à suivre dans ce type de litige, qui auraient dû être appliqués, conformément à l’article 327-39, qui dispose que les dispositions de la loi 08-05 s’appliquent à l’arbitrage international « sans préjudice des conventions internationales ratifiées par le Royaume du Maroc et publiées au Bulletin officiel ». En appliquant l’article 327-46 du Code de procédure civile, qui se contente d’exiger la production de l’original de la sentence arbitrale et de la convention d’arbitrage ou de copies de ces documents remplissant les conditions de validité requises, au lieu des articles 4 et 5 de la Convention susmentionnée, plus détaillés notamment en ce qui concerne les documents à produire à l’appui de la demande d’exequatur de la sentence arbitrale internationale et les procédures à suivre, et qui revêtent un caractère impératif, la cour a violé l’article 327-39 ainsi que la Convention de Vienne et la Constitution du Royaume, qui consacrent la primauté des conventions internationales.
De plus, en appliquant l’article 327-46 au lieu de la Convention de New York, la cour a violé l’article 3 du Code de procédure civile, qui consacre la règle impérative imposant au juge de qualifier correctement les faits du litige et d’appliquer la loi applicable. Ces motifs justifieraient la cassation de la décision attaquée.
Cependant, attendu que la cour, en indiquant dans les motifs de sa décision qu’« il est incontestable qu’il s’agit d’une sentence arbitrale et de son exequatur, ce qui rend l’article 327-46 du Code de procédure civile applicable pour définir le cadre de la mission du juge de l’exequatur, qui exige, pour accorder la reconnaissance ou la formule exécutoire, que celui qui se prévaut de la sentence arbitrale prouve son existence et que cette reconnaissance n’est pas contraire à l’ordre public national ou international », a formulé ces propos dans le cadre de la définition des conditions d’octroi de la formule exécutoire de la sentence arbitrale par le juge de l’exequatur. Ces motifs ne permettent pas d’affirmer que la cour a privilégié les règles du droit interne par rapport aux dispositions de la convention internationale, dont la requérante n’a pas précisé en quoi la décision y serait contraire. Par conséquent, ces branches du moyen sont irrecevables.
Concernant le premier moyen, cinquième branche :
Attendu que la requérante reproche à la décision une violation de l’article 327-49 du Code de procédure civile et de l’article 3 de la Convention de New York, au motif qu’elle a fait valoir, en première instance et en appel, que « le tribunal arbitral a statué au-delà des délais légaux et conventionnels ». Cependant, la cour ayant rendu la décision a rejeté ce moyen en indiquant que « l’alinéa 2 de l’article 24 du règlement de la Chambre de commerce internationale applicable autorise le tribunal arbitral à proroger le délai s’il le juge nécessaire… ». Cette prorogation a été rendue nécessaire par les demandes présentées par la société (E.A.), qui a sollicité un délai pour déposer sa mémoire en réponse, ce qui a contraint le tribunal à modifier le calendrier. Ce motif est dépourvu de fondement juridique et contraire aux dispositions de la Convention de New York, qui exigent que la sentence arbitrale ne soit pas contraire aux dispositions légales relatives à l’ordre public du pays où elle est invoquée, ainsi qu’aux dispositions de l’article 327-49 du Code de procédure civile, qui considère comme nulle la sentence rendue hors délai en raison de sa contrariété à l’ordre public. De plus, la prorogation du délai, qui déroge à la convention de prorogation, exige la preuve de sa nécessité. En conséquence, la sentence arbitrale est contraire à l’ordre public. En ne faisant pas droit au moyen de la requérante, la cour a violé les dispositions susmentionnées. La cassation de sa décision s’impose.
Cependant, attendu qu’il a été établi devant la cour ayant rendu la décision attaquée que l’arbitrage en cause est un arbitrage institutionnel, administré par la Chambre de commerce internationale, qui a fondé sa décision de prorogation du délai de rendu de la sentence arbitrale sur les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 24 de son règlement, qui l’y autorisent en cas de nécessité justifiant la prorogation. La cour a considéré que cette décision, prise à la demande de la société (E.A.) afin de lui permettre de déposer sa mémoire en réponse, ne porte pas atteinte à l’ordre public, dès lors que les parties à l’arbitrage ont consenti à l’application du droit matériel de l’institution susmentionnée, qui autorise cette prorogation. La cour a ainsi exposé le fondement juridique sur lequel le tribunal arbitral s’est appuyé pour proroger le délai de rendu de sa sentence, ainsi que la nécessité justifiant cette prorogation, en considérant à juste titre que la nullité de la sentence arbitrale rendue hors délai, prévue à l’article 327-42 du Code de procédure civile, ne s’applique pas au cas où le tribunal arbitral décide de proroger le délai
lorsqu’elle décide de proroger le délai en présence d’une nécessité justifiant cette prorogation, excluant ainsi le moyen tiré de la contrariété de la sentence à l’ordre public. La décision n’a donc violé aucune disposition et cette branche du moyen est mal fondée.
Concernant le premier moyen, sixième branche, et le troisième moyen, première branche :
Attendu que la requérante reproche à la décision une violation des droits de la défense en raison de la violation du principe du contradictoire, de l’absence de base légale, de l’insuffisance, de la corruption et de l’absence de motivation, au motif que la sentence arbitrale a entendu les représentants des intimées en leur attribuant la qualité de témoins, alors qu’ils avaient un intérêt direct dans le litige, ce qui exclut la possibilité de considérer leurs déclarations comme des témoignages ou de les qualifier de témoins. En effet, parmi les conditions requises par le droit suisse – dont l’application a été convenue par la clause compromissoire – pour la validité d’un témoignage, figure l’absence d’intérêt du témoin dans le litige en cours ou de lien de subordination avec l’une des parties.
La requérante a également fait valoir que les représentants des intimées n’avaient pas prêté serment avant d’être entendus et qu’en les entendant, le tribunal arbitral avait constitué une preuve en faveur de ces dernières et manqué à son devoir de neutralité, portant atteinte au principe de l’égalité de traitement des parties à l’arbitrage, puisqu’il a rejeté toutes les demandes de la requérante tout en faisant droit à toutes celles des intimées. Cependant, la cour a rejeté ces moyens en indiquant que « la requérante n’a pas contesté leur audition en qualité de témoins ». Or, la requérante ne contestait pas le droit du tribunal arbitral d’entendre lesdits représentants, mais l’absence de prestation de serment avant leur audition et l’absence de motivation du tribunal arbitral quant à leur dispense de cette prestation. De plus, bien que l’article 20 du règlement de la Chambre de commerce internationale, invoqué par la cour pour rejeter le moyen, autorise le tribunal arbitral à entendre les parties, la prestation de serment reste soumise à la législation applicable au litige. En ne tenant pas compte de ces éléments, la décision a violé l’alinéa 1er de l’article 222 de la loi suisse du 10 janvier 1987, qui dispose que « le témoin ne peut être entendu qu’après avoir prêté serment ». Ces motifs justifieraient la cassation de la décision attaquée.
Cependant, attendu que la cour ayant rendu la décision attaquée a rejeté le moyen tiré de l’audition par le tribunal arbitral des représentants des intimées en qualité de témoins sans prestation de serment ni indication des motifs de leur dispense, par un motif différent de celui critiqué, à savoir que « les parties ont consenti à l’application du règlement de la Chambre de commerce internationale en ce qui concerne les règles de procédure à suivre et que ces règles ne prévoient aucune formalité telle que la prestation de serment lors de l’audition des témoins… d’autant plus que le droit marocain, à l’article 327-42 du Code de procédure civile, dispose expressément, en ce qui concerne la procédure à suivre dans le cadre de l’arbitrage international, qu’il est possible de se fonder sur le règlement d’arbitrage sans exiger la prestation de serment lors de l’audition des témoins, ce qui laisse entendre que la prestation de serment, bien qu’étant une règle impérative en droit marocain, ne relève pas de l’ordre public directif ou absolu ». Ce motif n’a pas été critiqué par la requérante. La cour a ainsi souligné que le règlement de la Chambre de commerce internationale et l’article 327-42 du Code de procédure civile n’imposent aucune formalité telle que la prestation de serment lors de l’audition des témoins. Quant au moyen tiré de la violation du droit suisse par le tribunal arbitral en entendant les intimées en qualité de témoins, il s’agit d’une confusion entre fait et droit et il n’a pas été invoqué devant la juridiction du fond. La décision n’a donc violé aucune disposition et ces branches des moyens sont mal fondées, à l’exception du moyen invoqué pour la première fois, qui est irrecevable.
Concernant le premier moyen, septième branche, et le troisième moyen, deuxième branche :
Attendu que la requérante reproche à la décision une violation de l’article 13 du dahir sur le statut civil des Français et des étrangers résidant au Maroc et de l’article 3 du Code de procédure civile, ainsi que l’absence de base légale, l’insuffisance, la corruption et l’absence de motivation, au motif qu’elle a fait valoir que « la convention des parties au contrat principal de soumettre leur litige au fond au droit suisse ne s’étend pas à la clause compromissoire, en vertu du principe de l’autonomie de la clause compromissoire par rapport au contrat principal ». Cependant, la cour ayant rendu la décision attaquée a rejeté ce moyen en indiquant que « l’autonomie de la clause compromissoire par rapport au contrat principal signifie que la nullité du contrat principal n’entraîne pas la nullité de la clause compromissoire, et inversement ». Cette interprétation est erronée, car l’expression « autonomie de la clause compromissoire » est générale et absolue et s’applique à la formation, à l’exécution et aux effets de la clause compromissoire. En se fondant sur cette motivation, la cour a dénaturé les dispositions de l’article 13 susmentionné et appliqué au litige une loi autre que la loi applicable. En effet, le contrat contenant la clause compromissoire est soumis à trois lois : une loi pour le fond, à savoir le droit suisse, une loi relative aux règles de procédure, à savoir le règlement de la Chambre de commerce internationale, et une loi applicable à la clause compromissoire, qui n’est pas précisée et qui, en application des règles de conflit de lois en droit international privé, devrait être soumise à la loi du lieu de conclusion du contrat, à savoir le droit marocain, puisque le contrat a été conclu à Casablanca. La cour n’a pas répondu à la question précise des règles de conflit de lois. Ces motifs justifieraient la cassation de la décision attaquée.
Cependant, attendu que la cour ayant rendu la décision attaquée a constaté que le contrat ne précisait pas de régime juridique spécifique pour la clause compromissoire. Elle a donc considéré à juste titre que cette clause restait soumise au droit suisse applicable au contrat et que le principe de l’autonomie de la clause compromissoire par rapport au contrat principal impliquait que la nullité ou la résolution du contrat principal n’entraînait pas la nullité ou la résolution de la clause compromissoire. La cour a ainsi déduit du silence des parties sur la soumission expresse de la clause compromissoire à une autre loi leur intention de la soumettre à la même loi que celle applicable au contrat principal. Par conséquent, l’application des dispositions de l’article 13 du dahir sur le statut civil des Français et des étrangers résidant au Maroc n’était pas justifiée. La cour a ainsi répondu à tous les moyens soulevés sans violer aucune disposition et ces branches des moyens sont mal fondées.
Concernant le deuxième moyen, première branche :
Attendu que la requérante reproche à la décision une violation de l’article 7 de la loi sur les sociétés anonymes, au motif que la cour a indiqué dans les motifs de sa décision que « la société (E.I.) est l’ombre de (E.H.) et un corps dans sa main, puisque c’est cette dernière qui prend les décisions et que la société (E.I.) n’est qu’un corps contrôlé par ladite société ». Cette motivation confond les patrimoines des deux sociétés, en violation des dispositions de l’article 7 de la loi n° 17-95, qui consacre le principe de l’autonomie du patrimoine de la société. La représentation de la société (E.I.), qui a son propre registre de commerce et son patrimoine distinct, par M. (M.C.), en sa qualité de président-directeur général du groupe, ne permet pas de déduire qu’il agissait au nom de la société (E.H.) lorsqu’il représentait (E.I.) dans ses relations avec les intimées, mais plutôt qu’il agissait en cette qualité de président-directeur de cette société, sachant que rien n’interdit qu’il représente les deux sociétés en même temps. Ces motifs justifieraient la cassation de la décision attaquée.
Cependant, attendu que le moyen soulevé dans cette branche concerne la société (E.H.) et non la requérante, qui n’a pas qualité pour le soulever en tant que signataire de la clause compromissoire, cette branche est irrecevable.
Concernant le deuxième moyen, deuxième branche, et le troisième moyen, troisième branche :
Attendu que la requérante reproche à la décision une dénaturation de l’article 359 du Code de procédure civile, un abus de pouvoir, une absence de base légale, ainsi qu’une insuffisance, une corruption et une absence de motivation, au motif que la cour a confirmé l’ordonnance d’exequatur de la sentence arbitrale, qui a accordé aux intimées une indemnité de plus de trois milliards de centimes alors que le contrat a été conclu avant le début de l’exécution de l’opération, sans exercer de contrôle sur le pouvoir discrétionnaire utilisé par le tribunal arbitral pour fixer l’indemnité. La décision serait ainsi entachée d’abus de pouvoir.
La décision a également confirmé la sentence arbitrale alors que le tribunal arbitral n’a pas appliqué le droit suisse dont l’application avait été convenue par la clause compromissoire et l’acte de mission, mais les principes généraux du droit, excédant ainsi ses pouvoirs.
De plus, la cour, en rejetant le moyen de la requérante par la formule « tout différend relatif au contrat, qu’il concerne son interprétation, son exécution ou son application », aurait méconnu la position de la Cour de cassation, qui a restreint le champ de l’arbitrage en le considérant comme une exception à ne pas étendre, ainsi que la position du Tribunal fédéral suisse, qui a considéré qu’une indemnité excessive portait atteinte à l’ordre public. En ne motivant pas sa décision sur ces points, la cour aurait violé les dispositions invoquées. La cassation de sa décision s’impose.
Cependant, attendu que les moyens soulevés dans ces branches n’ont pas été invoqués devant la cour ayant rendu la décision attaquée, ils sont irrecevables.
PAR CES MOTIFS
La Cour de cassation décide :
Le rejet du pourvoi.
La condamnation de la requérante aux dépens.