La cour d’appel a été saisie d’un litige portant sur le recouvrement d’un solde débiteur de compte bancaire. L’appelante, la banque, contestait un jugement de première instance qui avait déclaré sa demande irrecevable en raison d’une prétendue non-conformité des relevés de compte produits aux exigences réglementaires.

La cour d’appel a infirmé ce jugement, estimant que le tribunal avait commis une erreur d’appréciation. Elle a fondé sa décision sur l’existence d’une convention d’ouverture de compte établissant la relation contractuelle entre les parties, et sur la valeur probante des relevés de compte, qui n’avaient pas été contestés par l’intimée. La cour a rappelé que l’article 156 de la loi n° 103-12 relative aux établissements de crédit et organismes assimilés confère aux relevés de compte une force probante dans les litiges opposant les banques à leurs clients.

La cour a, par conséquent, condamné l’intimée au paiement du solde débiteur, augmenté des intérêts légaux, exerçant ainsi son pouvoir d’appréciation des faits et des preuves pour statuer sur le fond du litige.

Après délibération conformément à la loi.

Attendu que la banque, par l’intermédiaire de son conseil, a déposé une requête enregistrée et payée le 17/05/2021, interjetant appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Casablanca dans l’affaire n° 4388/8221/2021, lequel a déclaré la demande irrecevable, laissant les dépens à la charge du demandeur.

Sur la forme :

Attendu que l’appel a déjà été déclaré recevable par décision préparatoire rendue le 18/07/2022.

Au fond :

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier et de la teneur du jugement attaqué que l’appelante, la banque, a déposé, par l’intermédiaire de son conseil, une requête introductive d’instance devant le tribunal de commerce de Casablanca le 23/04/2021, dans laquelle elle expose que la société (M.M) dispose d’un compte bancaire ouvert auprès d’elle sous le numéro 40XXXXXXXXXXXX, en vertu d’une convention d’ouverture de compte datée du 15/02/2015, et que le solde débiteur de ce compte a atteint le montant de 67 303,30 dirhams au 31/03/2021, tel qu’il ressort des relevés bancaires joints, établis de manière régulière. Et attendu que l’intimée a refusé de s’acquitter de la créance à sa charge malgré toutes les tentatives amiables entreprises à cet effet, elle demande qu’il soit ordonné à l’intimée, en la personne de son représentant légal, de lui payer la somme de 67 303,30 dirhams, augmentée des intérêts bancaires, des intérêts légaux et des intérêts de retard à compter de la date d’arrêt du solde, fixée au 31/03/2021, jusqu’au paiement, avec exécution provisoire du jugement et condamnation de l’intimée aux dépens.

Et attendu que le conseil de l’intimée a produit une copie de la convention d’ouverture de compte et des relevés de compte.

Et attendu la désignation d’un curateur à l’intimée et la production de sa réponse.

Et après épuisement des formalités de procédure, le tribunal de commerce a rendu le jugement susmentionné, objet du présent appel.

Motifs de l’appel :

Attendu que le jugement attaqué est entaché d’un défaut de motivation équivalant à une absence de motivation, et qu’il a déclaré la demande de l’appelante irrecevable au motif que les relevés produits ne sont pas conformes à la circulaire du gouverneur de Bank Al-Maghrib.

Mais attendu qu’en examinant les relevés de compte produits, ils sont parfaitement conformes à la circulaire du gouverneur de Bank Al-Maghrib. Et que l’appelante les produit à nouveau afin que la cour d’appel puisse exercer son contrôle et vérifier leur régularité. Et qu’en outre, en se référant aux articles 1 et 2 de la circulaire n° 6/28/2006 du gouverneur de Bank Al-Maghrib, en date du 2/12/2006, relative aux modalités d’établissement des relevés de comptes de dépôt, ils ne prévoient pas l’obligation de mentionner dans le relevé « la dernière opération créditrice du compte ». Et que les relevés de compte, conformes aux livres de commerce du requérant, indiquent les montants demandés et comprennent toutes les opérations, qu’elles soient créditrices ou débitrices.

Et attendu que ces relevés n’ont pas été contestés par l’intimée, et qu’ils constituent donc un moyen de preuve suffisant de la créance du requérant, conformément aux dispositions de l’article 492 du Code de commerce et de l’article 156 de la loi n° 103-12 relative aux établissements de crédit et organismes assimilés.

Et attendu que la jurisprudence constante considère les relevés de compte conformes à la circulaire du gouverneur de Bank Al-Maghrib comme un moyen de preuve suffisant de la créance.

Et il a été jugé dans une décision de la cour d’appel de commerce de Casablanca : « Et qu’il est de jurisprudence constante que les relevés de compte émis par les établissements de crédit constituent un moyen de preuve et sont pris en compte dans les litiges entre ces établissements et leurs clients, faisant foi sauf preuve contraire, conformément aux dispositions de l’article 492 du Code de commerce et de l’article 118 de la loi du 14/02/2006 régissant l’activité des établissements de crédit et organismes assimilés, ce qui a été confirmé par la Cour Suprême dans sa décision rendue le 25/07/2001 sous le numéro 1468 dans l’affaire n° 1257/03/01/99, qui dispose : « Le relevé de compte extrait des livres de commerce de la banque défenderesse au pourvoi constitue un moyen de preuve, et cette présomption découle des dispositions de l’article 492 du Code de commerce, qui prévoit que le relevé de compte est un moyen de preuve conformément aux conditions de l’article 106 de la loi régissant les professions bancaires, qui rend les relevés de compte opposables dans les litiges et attribue foi aux données qu’ils contiennent, sauf preuve contraire ».

Pour ces motifs et autres, l’appelante demande l’infirmation du jugement attaqué, et statuant à nouveau, demande la condamnation de la société (M.M), en la personne de son représentant légal, à lui payer la somme de 67 303,30 dirhams, augmentée des intérêts bancaires, des intérêts légaux et des intérêts de retard à compter de la date d’arrêt du compte, fixée au 31/03/2021, jusqu’au paiement, avec condamnation de l’intimée aux dépens.

Et attendu la décision préparatoire ordonnant une expertise, confiée à l’expert Ahmed Akacha, qui a été remplacé par l’expert Rachid Radi, lequel a établi un rapport concluant à la fixation de la créance à la somme de 66 285,80 dirhams.

Et attendu la désignation d’un curateur à l’intimée et la production de sa réponse.

Et attendu l’inscription de l’affaire à plusieurs audiences, la dernière étant celle du 26/12/2022, où il a été décidé de considérer l’affaire en état et de la retenir pour délibéré en vue du prononcé de la décision à l’audience du 09/01/2022.

Cour d’appel :

Attendu que l’appelante a exposé les motifs de son appel susmentionnés.

Et attendu qu’en ce qui concerne le grief de l’appelante relatif au défaut de motivation équivalant à une absence de motivation du jugement attaqué, qu’elle fonde sur le fait que, malgré la production de relevés réguliers appuyés par une convention d’ouverture de compte, le tribunal a déclaré sa demande irrecevable, il ressort de l’examen des pièces du dossier que la relation contractuelle entre les parties est établie par la convention d’ouverture de compte produite, laquelle concerne un compte comportant une série d’opérations enregistrées, et que les relevés de compte, conformément à l’article 156 de la loi régissant l’activité des établissements de crédit et organismes assimilés, constituent un moyen de preuve faisant foi dans les litiges entre les banques et leurs clients, sauf preuve contraire, et qu’en conséquence, il convient d’infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a déclaré la demande irrecevable en la forme, et de statuer à nouveau en la déclarant recevable en la forme.

Et attendu qu’en ce qui concerne la créance, la cour, afin d’approfondir l’instruction de l’affaire, a ordonné une expertise confiée à l’expert Rachid Radi, lequel, après examen des relevés de compte et analyse des différentes opérations créditrices et débitrices enregistrées sur le compte de l’appelée, a conclu que le solde débiteur du compte à la date de sa clôture, le 31/07/2019, était fixé à la somme de 66 285,80 dirhams, ce qui justifie la condamnation de l’appelée au paiement de cette somme et le rejet du surplus.

Et attendu qu’il convient d’ordonner le paiement des intérêts légaux à compter de la date de la demande.

Et attendu qu’il convient de statuer sur les dépens.

Par ces motifs : 

La Cour d’appel de commerce de Casablanca, statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de l’appelante et par défaut à l’égard de l’intimée, représentée par son curateur.

Sur la forme : Reçoit l’appel.

Au fond : Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré la demande irrecevable, et statuant à nouveau, déclare la demande recevable.

Condamne l’intimée à payer à l’appelante la somme de 66 285,80 dirhams, augmentée des intérêts légaux à compter de la date de la demande, et rejette le surplus.

Laisse les dépens à la charge de l’intimée.