Assurance-vie : La Cour de cassation précise les conditions de mise en œuvre de la garantie en cas de décès du souscripteur (Cour de cassation 2016)

Réf : 31009

Identification

Réf

31009

Juridiction

Cour de cassation

Pays/Ville

Maroc/Rabat

N° de décision

1/1

Date de décision

07/01/2016

N° de dossier

2012/1/3/1718

Type de décision

Arrêt

Chambre

Commerciale

Abstract

Base légale

Article(s) : 363 - Dahir portant loi n° 1-74-447 du 11 ramadan 1394 (28 septembre 1974) approuvant le texte du code de procédure civile (CPC)
Article(s) : 228 - Dahir du 12 septembre 1913 formant Code des obligations et des contrats (D.O.C)

Source

Non publiée

Résumé en français

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel qui a débouté une banque de sa demande de recouvrement de créance à l’encontre des héritiers d’un client décédé. La Cour d’appel avait considéré que le contrat d’assurance-vie souscrit par le défunt couvrait la dette et que la banque devait se retourner contre l’assureur.

Or, la Cour de cassation relève que l’arrêt attaqué est insuffisamment motivé, car il ne s’est pas prononcé sur des points essentiels :

  • La validité du contrat d’assurance: la Cour d’appel a simplement constaté l’absence de preuve de résiliation du contrat, sans vérifier si les primes étaient payées et si le décès du souscripteur avait été notifié à l’assureur, conformément aux stipulations contractuelles.
  • L’opposabilité de la garantie aux héritiers: la Cour a omis de vérifier si le décès du souscripteur entrait dans le champ des exclusions de garantie et si les héritiers avaient fourni les documents nécessaires à la mise en œuvre de la garantie.

La Cour de cassation souligne que la preuve du décès et sa notification à l’assureur sont des conditions essentielles pour l’application de la garantie. En ignorant ces points, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale. Par conséquent, l’arrêt est cassé et l’affaire renvoyée devant une autre formation de la Cour d’appel.

Document PDF

Version française de la décision

Après en avoir délibéré conformément à la loi.

Et vu la décision de Monsieur le Premier Président de la Chambre de ne pas procéder à une enquête sur l’affaire, conformément aux dispositions de l’article 363 du Code de procédure civile.

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier et de l’arrêt attaqué n° 2012/3165 rendu par la Cour d’appel de commerce de Casablanca le 12 juin 2012 dans le dossier commercial n° 8/2010/3513 que la demanderesse, la Banque, a présenté une requête au tribunal de commerce de Casablanca, dans laquelle elle exposait avoir accordé au défunt héritier des défendeurs, Ahmed C., plusieurs facilités financières et bancaires, à la suite desquelles son compte bancaire ouvert auprès d’elle a enregistré, lors de son arrêté au 30 octobre 2003, une dette en sa faveur d’un montant de 545 738,11 dirhams.

Attendu que toutes les tentatives amiables qu’elle a entreprises auprès des héritiers défendeurs pour recouvrer ladite dette sont restées vaines, demandant qu’ils soient condamnés à lui payer solidairement le montant susmentionné, avec les intérêts bancaires au taux de 13,2 % à compter de la date d’arrêté du compte, ainsi que la taxe sur la valeur ajoutée.

Et des dommages et intérêts pour retard d’un montant de 20 000,00 dirhams.

Attendu qu’après la réponse des défendeurs et la réalisation d’une expertise, ainsi que les observations sur celle-ci, un jugement a été rendu rejetant la demande, lequel a été infirmé par la Cour d’appel de commerce qui a statué à nouveau sur le rejet de la demande.

Laquelle a fait l’objet d’un pourvoi en cassation de la part de la demanderesse, pourvoi que la Cour suprême a cassé par son arrêt n° 300 du 18 février 2010 dans le dossier n° 2008/1/3/398, au motif que la Cour ayant rendu l’arrêt attaqué l’a entaché d’un vice en déclarant qu’en se référant au contrat d’assurance du compte produit par les défendeurs intimés, ainsi qu’au rapport d’expertise établi par Abdellatif Aïssi, il lui est apparu que leurs prétentions étaient fondées, en ce que le 17 juillet 1996, le défunt des intimés et la demanderesse ont conclu un contrat d’assurance sur son compte auprès d’elle.

Par conséquent, il appartenait à cette dernière de se retourner contre l’assureur pour réclamer la dette du défunt avant de se retourner contre les héritiers, de sorte que l’action actuelle était prématurée, et qu’il convenait en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de statuer à nouveau sur le rejet de la demande, sans vérifier si le contrat d’assurance était toujours en vigueur ou si la compagnie d’assurance avait été informée par les héritiers du décès de leur défunt, conformément aux stipulations du contrat d’assurance, de sorte que l’arrêt était insuffisamment motivé, ce qui équivaut à une absence de motivation et le rendait susceptible de cassation.

Attendu qu’après renvoi du dossier à la Cour d’appel de commerce, et production des conclusions des parties, un arrêt a été rendu infirmant le jugement entrepris en ce qu’il avait rejeté la demande.

Et statuant à nouveau sur le rejet de la demande, lequel est attaqué.

Sur le moyen unique :

Attendu que la demanderesse pourvoit en cassation contre l’arrêt pour défaut de motivation, absence de base légale et violation de l’article 228 du Code des obligations et contrats, au motif qu’il s’est fondé, pour infirmer le jugement entrepris qui avait rejeté la demande et statuer à nouveau sur le rejet de la demande, sur un motif ainsi rédigé : « Attendu qu’il ressort des conditions générales du contrat d’assurance, et notamment de son article 3, que l’assurance est renouvelée automatiquement à la fin de chaque année, sauf en cas de résiliation ou de refus du preneur d’assurance après en avoir informé l’assureur.

Attendu qu’en l’espèce, rien ne prouve la résiliation du contrat d’assurance, et que la demanderesse n’a produit aucune lettre ou avis de résiliation émanant de la compagnie d’assurance, de sorte que le contrat d’assurance est toujours en vigueur, et qu’il appartenait à la banque créancière de se retourner contre la compagnie d’assurance ».

Motif dont il ressort que la Cour s’est fondée uniquement sur une partie des motifs retenus par la Cour suprême dans sa cassation du précédent arrêt d’appel, à savoir l’absence de preuve de la résiliation du contrat d’assurance et le fait que la demanderesse n’ait produit aucune lettre que la compagnie d’assurance aurait envoyée au preneur d’assurance en cas de défaut de paiement des primes d’assurance.

Alors qu’elle a omis de se pencher sur un point essentiel soulevé par le précédent arrêt de cassation, à savoir la nécessité de vérifier la réalité du décès du souscripteur et l’absence d’information de la compagnie d’assurance sur le décès immédiatement après celui-ci, pour vérification, et si ce décès entrait dans le cadre des exclusions de garantie prévues au contrat d’assurance, ainsi que le fait que la compagnie d’assurance n’ait pas été mise en possession des documents nécessaires à l’ouverture d’un dossier de garantie des dettes du souscripteur envers quiconque, et la dissimulation du décès par les héritiers, qui concernait à la fois la demanderesse en sa qualité de créancière et la compagnie d’assurance.

Sachant que le décès est prouvé par des documents officiels émanant des autorités administratives et médicales compétentes, qui doivent être présentés dans un délai raisonnable à la banque et à la compagnie d’assurance, afin de remplir la condition de mise en œuvre de l’assurance et de l’exigibilité de la garantie, et de vérifier si le droit des héritiers à en faire la demande était prescrit ou non.

Attendu que la Cour, en n’examinant pas le point susmentionné, a rendu son arrêt insuffisamment motivé et non fondé, ce qui le rend susceptible de cassation.

Attendu que l’arrêt de la Cour suprême a cassé le précédent arrêt d’appel au motif que la Cour qui l’a rendu n’avait pas vérifié si le contrat d’assurance était toujours en vigueur et si les héritiers défendeurs avaient informé la compagnie d’assurance du décès de leur défunt, conformément aux stipulations du contrat d’assurance.

Que, par conséquent, la Cour ayant rendu l’arrêt attaqué, en sa qualité de juridiction de renvoi, était tenue d’examiner chacun des deux points susmentionnés.

Or, si elle a examiné le premier point relatif à la résiliation du contrat d’assurance, et a conclu que l’absence de preuve de l’initiative de l’une des parties au contrat d’assurance de notifier par écrit à l’autre partie sa volonté d’y mettre fin maintenait ledit contrat en vigueur du fait de sa reconduction automatique, elle n’a pas examiné le second point consistant à vérifier si les défendeurs avaient informé la compagnie d’assurance conformément aux dispositions de l’article 6 du contrat d’assurance.

Elle a ainsi ignoré le précédent arrêt de cassation et omis d’examiner un point essentiel dont dépendait la solution du litige, de sorte que son arrêt est insuffisamment motivé, ce qui équivaut à une absence de motivation et justifie sa cassation.

Attendu que la bonne administration de la justice et l’intérêt des parties exigent le renvoi du dossier à la même Cour ayant rendu l’arrêt attaqué pour qu’il soit à nouveau statué conformément à la loi, composée d’une autre formation.

Par ces motifs,

La Cour de cassation casse l’arrêt attaqué et renvoie l’affaire devant la même Cour pour qu’il soit à nouveau statué conformément à la loi, composée d’une autre formation, et condamne les défendeurs aux dépens.